PARIS
L’opéra Bastille présente le Tristan et Isolde de Wagner mis en scène par Peter Sellars avec une vidéo de l’artiste américain.
Le vidéaste de 71 ans - il fêtera ses 72 ans le 25 janvier - fait son grand retour à Paris. Dimanche 22 janvier 2023, sous la direction de Matthias Pintsher, l’Ensemble intercontemporain exécutera Déserts, partition composée en 1954 par Edgar Varèse pour vingt musiciens avec interpolations de bande magnétique, pour laquelle Bill Viola a créé un film au début des années 1990. Pour cela, l’artiste américain s’est inspiré des notes laissées par le compositeur, décédé en 1965, qui souhaitait à l’origine « produire un film d’une conception nouvelle dans sa relation entre les images et le son », film qu’il n’avait pas eu l’occasion de produire. Tandis que cette pièce sera exécutée à la Philharmonie, l’Opéra de Paris programme, de son côté, du 17 janvier au 4 février 2023, une œuvre devenue un « classique » de son répertoire : le Tristan et Isolde de Wagner, mis en scène par Peter Sellars sur une vidéo de Bill Viola.
Créée en 2005 à l’Opéra Bastille, cette production avait été reprise en 2018 par l’institution parisienne. « Je crois que cette production fait partie des meilleurs moments de l’Opéra de Paris », a eu l’occasion de dire Peter Sellars, qui précisait en 2018 à propos de la vidéo de Bill Viola : « En 2005, il s’agissait d’art contemporain. Aujourd’hui, c’est du "Louvre" ! » De fait, l’association du metteur en scène Peter Sellars et du vidéaste Bill Viola a donné lieu à une œuvre d’une rare puissance théâtrale et visuelle. Tandis que les chanteurs interprètent le livret dans une mise en scène très dépouillée, sans accessoires ni décor, un écran suspendu au-dessus des acteurs projette une vidéo. Une idée brillante, tant la musique et le livret de Wagner, révolutionnaires lors de leur création en 1865, font davantage place à l’expression des passions qu’à l’action, quasiment inexistante.
Après un prologue d’une dizaine de minutes, qui annonce, jusqu’à l’extase finale, les principaux airs que Wagner développera au cours de sa partition, le rideau s’ouvre sur des vues d’une mer déchaînée – le premier acte se déroule sur le navire qui conduit Isolde à son futur époux, le roi Marke. La vidéo se poursuit par l’arrivée, lointaine, de deux personnages, un homme et une femme, que l’on imagine être Isolde et Tristan. Les images s’enchaînent ensuite durant les près de quatre heures de l’opéra, tantôt évocatrices des sentiments exprimés par Wagner, tantôt illustratrices du livret. Certains passages sont de purs moments de grâce, à l’instar de l’évocation du baiser échangé entre les deux personnages épris d’une passion qui les conduira à la mort après avoir bu le filtre d’amour. L’acmé restant bien entendu le final, chef-d’œuvre de l’art vidéo, dont Bill Viola est l’un des pionniers, où le corps de Tristan s’élève dans les airs, tandis que celui d’Isolde se noie de chagrin. D’autres images demeurent en revanche plus anecdotiques, quand, par exemple, l’artiste filme la mer, le vent dans les arbres ou la lune. Ces passages n’ont d’ailleurs pas résisté au temps, dans leur définition comme dans leur esthétique, rappelant que la vidéo fut créée il y a de cela dix-huit ans – les techniques et les référents visuels évoluent vite en matière d’art vidéo.
Dans ce film, Viola use de ses procédés habituels (le ralenti, le traveling…) comme des éléments qu’il convoque inlassablement dans son œuvre : l’eau, le feu… Il en use et en abuse même, mettant au même plan des images, disons-le, de qualité et de force inégales. Le Tristan et Isolde de Peter Sellars et Bill Viola n’en reste pas moins une grande œuvre ; un « classique » de l’opéra, qu’il faut désormais regarder comme tel, avec ses rides.
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À l’opéra, un Bill Viola vieillissant mais toujours enchanteur
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