LONDRES / ROYAUME-UNI
Oser confronter dans les mêmes espaces des dessins de la Renaissance italienne et d’imposantes vidéos contemporaines, cela n’était pas gagné d’avance.
Pourtant, cela fonctionne ! Les démesures mentales et spatiales entre les quatorze petites sanguines et pierres noires sur papier de Michel-Ange (1475-1564) et les douze grandes vidéos de Bill Viola (né aux États-Unis en 1951) sont telles que le regard ne peut passer sans vertige de l’une à l’autre. Être face à un dessin de Michel-Ange, c’est être face à l’œuvre d’un homme habité par une perception néo-platonicienne du monde. Ses œuvres, au plus près de ce qui serait un idéal de beauté, apparaissent comme d’impressionnantes tentatives de transcrire les relations de l’homme à la vie, à l’amour, à la souffrance et à l’idée d’impermanence. Sur un dessin réalisé à la pierre noire en 1532, le jeune Tityos, coupable d’un amour transgressif et cloué sur un rocher, se fait dévorer le foie, siège des passions, par un magnifique aigle. Une tension tout aussi fondamentale, pour ne pas dire atavique, irradie les vidéos de Bill Viola. Grâce à une scénographie maîtrisée, elles apparaissent en contrepoint comme des coups de poing d’un réalisme très contemporain. Tout est montré frontalement : la naissance, l’inquiétante irréfutabilité de la vie, la mort. Ainsi, sur trois écrans apparaissent simultanément durant 29,46 minutes trois séquences (Nantes Triptych, 1992). La naissance : une femme accroupie, la respiration de la femme, le son des battements du cœur du bébé à naître, puis son apparition. La vie : une personne flottant dans une lumière incertaine. La mort : la mère de Bill Viola sur son lit de mort. À la fin, il ne lui ferme pas les paupières.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°721 du 1 mars 2019, avec le titre suivant : Bill Viola et Michel-Ange : formidable