Disparition

La disparition de Bill Viola, vidéaste visionnaire

Par Sara Genin · lejournaldesarts.fr

Le 16 juillet 2024 - 709 mots

Le célèbre vidéaste connu pour ses installations monumentales s’est éteint à l’âge de 73 ans.

Bill Viola. © Kira Perov / Bill Viola Studio
Bill Viola.
© Kira Perov / Bill Viola Studio

L’artiste américain Bill Viola est décédé samedi 13 juillet des suites de la maladie d’Alzheimer diagnostiquée en 2012. Hospitalisé depuis 2020, Bill Viola s’est éteint à Long Beach (Californie) où il vivait depuis les années 1980.

Pionnier de l’art vidéo, Bill Viola, né à New York en 1951, commence par étudier la peinture à l’Université de Syracuse à New York. « Je suis né en même temps que la vidéo. Nous avons grandi ensemble » se plaisait à rappeler le vidéaste. L’enseignement des Beaux-Arts étant trop traditionnel pour lui, il s’oriente rapidement vers l’Experimental studio de Jack Nelson auprès duquel il découvre les balbutiements de l’art vidéo dans les années 1970. Bill Viola découvre John Cage et se forme à la musique électronique sur synthétiseur qu’il étudie aux côtés de David Tudor, pianiste et compositeur. Il développera pendant plus de 40 ans une pratique vidéo expérimentale qui s’exprime sous différentes formes : vidéos, environnements sonores, installations pour des opéras ou des concerts. Ses œuvres sont conservées dans les plus grands musées américains : au Metropolitan Museum of Art (New York), au Museum of Contemporary Art (MOCA) et au Getty Museum de Los Angeles et bien d’autres encore.

En France, la dernière œuvre en date de Bill Viola a été créée à l'Opéra de Paris en 2023. Le vidéaste avait alors conçu un décor sous forme d’écran monumental de 11,7 x 6,7 mètres pour l'opéra de Wagner Tristan et Isolde mis en scène par Peter Sellars sous la direction du chef d’orchestre Gustavo Dudamel. Onze ans plus tôt, en mars 2014, le Grand Palais accueillait la première rétrospective française de l’artiste : 20 œuvres monumentales et 30 écrans géants agencés sous forme de « poèmes visuels » comme l’explique Kira Perov, commissaire de l’exposition et épouse de l’artiste.

Bill Viola (1951-2024), Ascension, 2000, installation vidéo sonore, 10 minutes, performeur : Josh Coxx, Bill Viola Studio, Long Beach, Etats-Unis, Photo Kira Perov
Bill Viola, Ascension, 2000, installation vidéo sonore, 10 minutes, performeur : Josh Coxx
Photo Kira Perov
© Bill Viola Studio

Pour Bill Viola, la vidéo est un médium qui lui permet de « sculpter le temps ». La technologie vidéo est mise au service d’une œuvre métaphysique qui questionne la nature humaine, le temps, les émotions et le rapport à la nature. Élevé par une mère épiscopalienne, le cheminement spirituel de Bill Viola le conduit en 1980 à passer un an et demi au Japon pour suivre l’enseignement d’un maître zen. Il en retient une sensibilité particulière à la nature et au temps. En 2013 il réalise The Dreamers, la transcription d’une noyade mythifiée qu’il aurait vécue dans son enfance : 7 écrans en mouvement montrent des visages immergés aux yeux clos qui ondulent au rythme de l’eau.

L’image et le son sont de même importance dans l’œuvre du vidéaste : ce qui intéresse l’artiste au-delà de l’image c’est l’image en mouvement. A la manière d’un peintre ou d’un sculpteur il réalise beaucoup de croquis et passe par le dessin avant de réaliser la vidéo. Ses croquis sont répertoriés dans un journal de 40 tomes. Appelé « le Rembrandt de l’âge vidéo » par certains critiques américains, Bill Viola est influencé par la peinture et plus particulièrement les peintres du Quattrocento. En 1995, il représente les États-Unis à la Biennale de Venise : il expose The Greeting, image animée sur un écran plat à cristaux liquides qui s’inspire de la Visitation (1528) du peintre maniériste Pontormo. La vidéo représente les retrouvailles entre la Vierge Marie et Elisabeth dans un étonnant tableau vivant : les 45 secondes de prise de vue sont étirées en une vidéo de 10 minutes. L'installation est présentée dans l'église Saint-Eustache à Paris 2000 puis elle devient la première œuvre d’art vidéo acquise par le Metropolitan Museum of Art de New York en 2001. Les œuvres du vidéaste surprennent par un dialogue a priori antinomique entre la modernité du médium vidéo et des références picturales classiques. En 2019, la Royal Academy of Arts de Londres explore cet aspect de l’œuvre au travers de l’exposition « Bill Viola / Michel-Ange : Life Death Rebirth » qui met en regard des dessins de Michel-Ange et 12 installations vidéo de Bill Viola.

« Je souhaite remettre la narration à la première personne » expliquait l’artiste. L’expérience sensible proche de l’art total est centrale dans l’œuvre du vidéaste. Son, image et vidéo sont pensés pour mettre le spectateur au centre d’une expérience qui fait oublier l’espace d’exposition, ce qui n’est pas sans présager les expositions immersives qui fleurissent dans les musées depuis quelques années.

Bill Viola, Five Angels for the Millennium (2001)

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