Faux - Justice

Justice

Un Beltracchi échappe aux poursuites

Par Alexis Fournol (Avocat à la cour) · Le Journal des Arts

Le 8 juin 2016 - 513 mots

La vente d’une fausse toile d’Auguste Herbin n’a pas donné lieu à la mise en jeu de la responsabilité de la maison de ventes, ni à celle de la détentrice du droit moral de l’artiste, qui avait authentifié l’œuvre

PARIS - Les premiers remous judiciaires français de l’affaire Beltracchi avaient fait trembler, un temps, le monde de l’expertise avant que la cour d’appel de Versailles n’écarte finalement, en décembre 2015, la responsabilité de l’historien de l’art Werner Spies, poursuivi pour avoir authentifié un faux Max Ernst. La décision qui a été rendue par le tribunal de grande instance de Paris le 10 mars dernier s’inscrit dans ce mouvement, en écartant notamment la responsabilité de l’ayant droit d’Auguste Herbin, qui avait certifié la toile Maternité faussement datée de 1917. Cette œuvre avait été proposée aux enchères par l’étude de Jean-Louis Picard le 22 novembre 1991, aux côtés de deux prétendus tableaux de Georges Valmier et de Moïse Kisling, œuvres apportées par un certain Wolfgang Fischer, désormais mondialement connu sous le nom de sa femme : Beltracchi.

Un authentique Beltracchi
La Galerie Lahumière fut avertie fin août 2011 par la police allemande que la toile acquise pour plus de 950 000 francs était un authentique Beltracchi et un faux Herbin. Tant l’ayant droit de l’artiste que l’expert de la vente et le commissaire-priseur n’y avaient rien vu. Comme dans l’affaire du faux Max Ernst, seule une expertise scientifique avait permis ici de disqualifier définitivement l’œuvre. L’analyse stylistique, menée avant l’action judiciaire, n’avait abouti qu’à la conclusion que le faux se révélait stylistiquement très proche d’un authentique tableau d’Herbin.

La veuve de Jean-Claude Lahumière, ayant repris l’action intentée du vivant de son époux, sollicitait la condamnation du commissaire-priseur, de l’expert de la vente et de l’auteure du certificat d’authenticité, et réclamait la nullité de la vente ainsi que des dommages-intérêts. Mais depuis 1991, l’étude de Me Jean-Louis Picard avait été transformée en une maison de ventes dénommée Piasa, avant que celle-ci ne soit vendue à la holding de François Pinault (Artémis) puis à quatorze investisseurs. La responsabilité de la société a été cependant écartée, faute de preuve qu’elle ait pu succéder dans les droits du commissaire-priseur. De même pour la responsabilité de ce dernier, en raison de la prescription de l’action en responsabilité un an et demi avant la saisine de la justice.

Demeurait seule l’hypothèse d’une responsabilité encourue par Odile Claisse, titulaire du droit moral de l’artiste, en raison de l’établissement du certificat d’authenticité. Le tribunal rejette une nouvelle fois la demande formulée, « aucun comportement fautif ne pouvant être reproché » à l’ayant droit ; « le tableau présentant par ailleurs tous les éléments habituels de l’œuvre d’Auguste Herbin, il était tout à fait concevable de conclure à l’authenticité de l’œuvre au regard des connaissances de l’époque ».
Un autre tableau attribué à Louis Marcoussis (Champagne, 1914), et dont la paternité a été reconnue par Wolfgang Beltracchi lors de son procès à Cologne en 2012, fait également l’objet d’une procédure judiciaire depuis quatre ans, sans que son authenticité n’ait encore été confirmée ou infirmée.

Légende photo

Wolfgang Beltracchi © Photo fruitmarket/Wolfgang Ennenbach

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°459 du 10 juin 2016, avec le titre suivant : Un Beltracchi échappe aux poursuites

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