MAASTRICHT / PAYS-BAS
Bien qu’écourtée de quatre jours et bien moins fréquentée, la foire de Maastricht présentait de nombreux chefs-d’œuvre dont plusieurs ont trouvé preneur.
Maastricht. Malgré les craintes suscitées par le coronavirus et les annulations en cascade de divers événements culturels dans le monde, les organisateurs de Tefaf, en accord avec les autorités sanitaires néerlandaises, avaient maintenu l’ouverture de la foire, le 7 mars. Les 280 exposants – à l’exception de trois galeries (Wildenstein, Fergus McCaffrey et Monbrison) qui ont annulé leur venue – étaient anxieux mais motivés. Quotidiennement, la situation était réévaluée par l’équipe dirigeante. Mais, au fil des jours, le nombre de visiteurs n’a cessé de dégringoler à mesure qu’augmentait le nombre de personnes porteuses du virus dans le pays. L’annonce, lundi 9 mars, de la contamination d’un des exposants testés de retour dans son pays la veille a sonné le glas de la manifestation. Le comité exécutif a pris la décision de fermer prématurément la foire le 11 mars au soir – soit quatre jours avant la date officielle (15 mars). « Les exposants ont très bien compris. Aucun ne s’est plaint de cette fermeture anticipée. Ils étaient déjà contents que la foire ait ouverte, car, pour certaines galeries, cela représente une grosse part de leur chiffre d’affaires », a commenté Christophe de Quénetain, membre du comité exécutif. « Je ne suis pas déçu que la foire ait fermé plus tôt. Plus courte, c’est plutôt mieux, d’autant qu’elle n’a pas été un flop. Ce qui m’inquiète, ce sont les six mois à venir », a confié un des marchands.
Conséquence d’un événement écourté et de l’absence de nombreux collectionneurs effrayés par la propagation du virus, la foire n’a enregistré que 28 500 visiteurs contre 70 000 l’an passé (- 59 %).
Pourtant, contre toute attente, les débuts étaient prometteurs. Près de 10 000 visiteurs s’étaient déplacés les deux premiers jours consacrés au vernissage et bon nombre d’exposants ont fait état de ventes rapidement scellées. « Nous étions assez inquiets au début, mais comme les gens sont quand même venus et que des affaires ont été conclues dès les premiers instants, cela nous a rassuré, ce qui comptait d’autant plus dans une ambiance générale un peu anxiogène », a rapporté l’antiquaire Nicolas Kugel. Mais, par la suite, à mesure que la fréquentation de la foire chutait, beaucoup de marchands ont indiqué ne plus avoir vendu. Ils ont compensé en envoyant davantage de dossiers et en réalisant des vidéos de leurs stands.
Durant les sept jours d’exposition (au lieu de onze), plusieurs transactions à prix élevés ont été recensées. L’une des plus importantes de cette édition tronquée est sans nul doute celle de la galerie Dickinson (Londres) avec une toile de Vincent van Gogh, Paysanne devant une chaumière (1885), acquise par un collectionneur privé pour 15 millions d’euros. Avant son authentification, l’œuvre ne valait que 45 livres sterling en 1968. Dès les premières heures d’ouverture, la galerie Kugel (Paris) – qui a confié avoir bien vendu, tous les jours, et même le dernier – a cédé à un grand musée la Coupe Orphée, en or émaillé, un travail probablement viennois, vers 1641-1642, pour l’empereur Ferdinand III. Sa réalisation époustouflante est le fruit du travail de plusieurs artistes (joaillier, peintre, orfèvre) ayant servi à la cour de Rodolphe II et Ferdinand III : Jan Vermeyen, Johann Wilhelm Baur et Hans Georg Bramer.
Si de nombreux clients privés avaient indiqué avant la foire qu’ils ne se déplaceraient pas, côté musées, le Metropolitan Museum de New York, le Louvre Abu Dhabi, la National Gallery de Washington ou encore le Getty de Los Angeles avaient prévenu qu’ils n’enverraient pas leurs conservateurs, trop inquiets qu’ils soient placés en quarantaine à leur retour d’Europe. « Même si j’ai croisé beaucoup moins d’Américains, les conservateurs de Forth Worth, de Dallas, de Boston, de Minneapolis ou du Lacma de Los Angeles étaient présents », a rapporté Nicolas Joly, expert en tableaux anciens. Dans cette discipline, les marchands ont tiré leur épingle du jeu. Nicolás Cortés (Madrid) a par exemple vendu pour 3 millions d’euros deux panneaux d’un retable figurant les portraits des donateurs accompagnés respectivement de saint Jérôme et de sainte Claire, d’Anthonis Mor (1519-1577), acquis par une fondation privée hollandaise.
Parmi les autres ventes, toutes spécialités confondues, la galerie Carpenters Workshop (Paris) a cédé une commode Skarabée, en bronze, réalisée en 2019 par Ingrid Donat (640 000 €) ; Stuart Lochhead (Londres) s’est délesté d’un buste en marbre représentant Georges Mareschal, premier chirurgien du roi Louis XIV, vers 1700-1710, par François Girardon ; Jean-Christophe Charbonnier (Paris) a vendu une armure Daimyo de style Hon-kozane, première moitié de l’époque Edo (en dessous de 500 000 €) tandis qu’Oscar Graf (Paris) – qui avait l’un des plus beaux stands de l’édition (voir ill.), recréant l’intérieur de la chapelle du Cheadle Royal Hospital à Manchester avec un ensemble de neuf vitraux dessinés par Edward Burne-Jones et réalisés par Morris & Company entre 1909 et 1911 pour cette chapelle (proposé à plus d’1 M€ l’ensemble) – a cédé le vitrail représentant Marc au Cincinnati Art Museum et celui de Noah au Delaware Art Museum.
Restons au États-Unis où Tefaf New York Spring qui devait avoir lieu du 8 au 11 mai, est annulée. « Cette décision prise en amont est une bonne chose plutôt que d’attendre le dernier moment. Ce n’est pas la peine de nous causer des frais supplémentaires », a approuvé l’un des participants.
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Tefaf, une dynamique bousculée par le Covid-19
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°542 du 27 mars 2020, avec le titre suivant : Tefaf, une dynamique bousculée par le covid-19