La galerie Anne Barrault célèbre les 90 ans de Daniel Spoerri avec quelques œuvres historiques illustrant sa passion des bons mots.
Paris. Comme son titre l’indique, l’exposition « Happy Birthday Mr Spoerri ! » (initialement prévue au printemps dernier) fête les… 90 ans de l’artiste. Et, comme les bougies marquant des décennies sur un gâteau, elle rassemble neuf œuvres datées de 1976 à 2018, autrement dit de périodes et de factures différentes, pour rappeler que l’œuvre de Daniel Spoerri ne peut se réduire à ses fameux « Tableaux-pièges » qui, depuis le début des années 1960, ont sculpté son image de marque. Il y en a bien un ici, mais très particulier et jamais montré. Daté de 1976, composé d’un petit plateau couvert de rectangles et carrés jaunes, rouges, bleus, avec dans l’un de ses coins un petit poisson – et en conséquence intitulé Le Poisson d’avril de Mondrian–, il a été offert par Spoerri à François Morellet pour ses 50 ans. Avec au dos une dédicace : « Salute François Morue au lait » parfaitement typique de l’esprit potache et du goût pour les jeux de ces deux artistes.
Tout autour de cette pièce prêtée par sa veuve Danielle Morellet, figurent de nombreuses autres facettes de cette œuvre nourrie des multiples expériences de l’artiste qui fut danseur étoile à l’opéra de Berne, créa une revue de poésie concrète, ouvrit un restaurant à Düsseldorf, fut l’un des pionniers du Eat-Art, multiplia les rencontres (lesquelles ont toujours été au cœur de sa démarche) avec Jean Tinguely, Meret Oppenheim, Roland Topor, Raymond Hains, Robert Filliou… L’esprit Fluxus rôde d’ailleurs dans la galerie, comme dans cette vidéo de 1968, Résurrection, qui évoque le cycle de la vie à l’envers, commençant par la vue d’un homme en train de déféquer et finissant par l’image d’une vache dans un champ avec moult étapes intermédiaires, parmi lesquelles la mastication d’un steak. Un régal…
Dans une autre œuvre, on retrouve sa passion des mots (Spoerri avait lancé dès 1964, le concept des « Pièges à mots ») : titrée Histoires de boîtes aux lettres IV, elle fait se rencontrer des caractères d’imprimerie et différents objets, une sorte de masque, des petits trophées de chasse, une tête de poupée. Ce sont encore des poupées qui sont au centre de Was Bleibt no 10, pièce qui rappelle à quel point les objets, leur quête, leur juxtaposition et les télescopages d’images et de sens qui en découlent ont toujours constitué l’arête centrale du travail de Spoerri.
Entre 20 000 et 50 000 euros, les prix des œuvres sont tout à fait raisonnables pour un artiste dont la longue carrière a été jalonnée de nombreuses expositions dans des galeries, centres d’art, musées (en 2002, le Jeu de paume, alors sous la direction de Daniel Abadie, avait présenté « Les dîners de Daniel Spoerri » ainsi que son exposition des « Menus-Pièges ») . Une rétrospective Spoerri sera d’ailleurs présentée au Mamac (Musée d’art moderne et d’art contemporain) de Nice en 2021. Rappelons qu’il fut aussi cosignataire du manifeste des Nouveaux Réalistes aux côtés d’Arman, Klein, César…, des artistes plus chers que lui.
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Spoerri aux petits oignons
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°551 du 18 septembre 2020, avec le titre suivant : Spoerri aux petits oignons