MAASTRICHT / PAYS-BAS
Les marchands, surtout d’art ancien, annoncent des ventes importantes conclues lors de la 38e édition de la foire, contrastant avec le discours ambiant.

Maastricht (Hollande). Nulle part ailleurs elles ne se déplacent en si grand nombre : près de 500 institutions du monde entier sont venues faire leurs emplettes sur l’indétrônable foire hollandaise, qui s’est tenue du 15 au 20 mars. Et elles ont vite dégainé. Camille Leprince a vendu dès le premier jour, au musée de Détroit, une aiguière Percier de Joachim Murat et son bassin (1807), en porcelaine de Sèvres, et au château de Fontainebleau, un Vase fuseau (1810), toujours de Sèvres, orné d’un portrait peint de Caroline Murat (prix jusqu’à 500 000 €). « Le jeudi, vendredi, samedi, il y a eu une intense visite de musées », a rapporté Guillaume Léage, qui a cédé au Centre des monuments nationaux (CMN) une paire d’étagères d’époque Louis XV, qui retournera au château de Rambouillet.
Pour séduire les musées, c’est ici que les marchands exposent leurs chefs-d’œuvre, démontrant à quel point la Tefaf est au-dessus de la mêlée. La galerie canadienne Landau n’a donc pas hésité à montrer Les Dormeurs (1965) de Picasso, affiché à 50 M$ (à peu près la même somme en euros) tandis que la galerie viennoise Wienerroither & Kohlbacher a créé la surprise en dévoilant un tableau de jeunesse de Klimt, retrouvé récemment – Prince William Nii Nortey Dowuona (1897), 15 M€ –.
D’ailleurs, à chaque édition, des pièces font le buzz, comme la plus grande sculpture anatomique (Italie ou Espagne, XVIIe siècle) exposée à la galerie Kugel ; le Piano Pleyel (1929) par Ruhlmann (galerie Marcilhac) ou le Triptyque portable du Couronnement de la Vierge (vers 1525), sud des Pays-Bas chez Sismann, vendu à un musée hollandais, quand Jean-Claude Gandur a acquis pour son futur musée de Caen, Charles VII (XVe siècle), en pierre polychromée, la seule effigie sculptée connue de ce souverain, tandis qu’une petite tête de chérubin en marbre, attribuée à Germain Pilon (vers 1573), était convoitée par le Louvre. « Nous avions sorti l’artillerie lourde afin de bien représenter notre spécialité, et au final, nous avons très bien vendu », a déclaré Gabrielle Sismann (prix de vente de 50 000 à 1 M€). La sculpture a le vent en poupe : Stuart Lochhead, en dehors de son impressionnant Velázquez – Portrait de la Mère Jerónima de la Fuente (vers 1620) –, a vendu plusieurs pièces dont une Athénienne en terre cuite de Joseph Chinard (vers 1793) ou encore Saint-Sébastien en bronze doré de Pietro Tacca acheté par un collectionneur américain qui va le léguer au Musée de San Francisco (autour de 500 000 €). Xavier Eeckhout a conclu 15 ventes (sur 28), parmi lesquelles ses œuvres phares, qui comprenaient un groupe en bronze de 8 Fennecs du Sahara de Sandoz (entre 7 000 et 400 000 € pour les pièces vendues).
Les marchands de tableaux anciens aussi étaient satisfaits, avec plusieurs transactions au-delà du million : La Vierge en prière et autoportrait, de Michael Sweerts chez Salomon Lilian (achat pour 3,5 M€ par une fondation hollandaise), une Nature morte (1884) de Van Gogh emportée par un collectionneur pour près de 5 M$, tandis que Talabardon & Gautier a fait un retour en fanfare avec plus de 10 œuvres cédées, dont deux peintures vendues autour du million d’euros : Jeune mercenaire endormi à la belle étoile près de son butin, Naples (mi-XVIIe siècle), attribué au Maître du Soldat Mort de la National Gallery de Londres et Femme nue allongée, vue de dos ( vers 1846), de Jean-François Millet.
Pour ceux qui se demandent si le contexte géopolitique a joué sur l’humeur des acheteurs, la réponse est non. Comme le dit Guillaume Léage : « Ici, on ne sent pas du tout l’ambiance morose du monde extérieur, c’est vraiment une bulle, les gens veulent se faire plaisir. » Ce que confirme Oscar Graf : « Les conservateurs américains sont tellement dépités par la situation ; ils ne savent pas de quoi sera fait demain au niveau des budgets, alors ils en profitent. De toute façon, ils ont toujours un besoin en vue d’une future exposition, une extension de galerie… » Le marchand a trois ventes en cours, dont une coupe couverte en émail cloisonné et pierres précieuses (vers 1898), par Armand Point (réalisée par la colonie Haute-Claire à Bourron-Marlotte) et montrée pour la première fois.
C’était plus calme pour le secteur d’art moderne et contemporain. D’abord, il est moins visité par les institutions muséales qui viennent avant tout pour l’art ancien, et peut-être aussi qu’il a davantage pâti du contexte. Néanmoins, de belles ventes sont à noter comme le Hooper chez Marianne Boesky – Gloucester Houses (1926), 2,8 M$ –, qui a fait sold out avec des œuvres de la très sollicitée Danielle McKinney, quand chez Ben Brown, c’est une Pomme (Moyenne), de Claude Lalanne qui a été emportée par un collectionneur américain (950 000 $) et qu’un Choupatte, également de la sculptrice française, a été vendu entre 800 000 et 900 000 € à la galerie Mitterrand.
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Quand les musées font leur marché à la foire Tefaf
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°652 du 28 mars 2025, avec le titre suivant : Quand les musées font leur marché à la foire Tefaf