Un des records de l’année en ventes aux enchères, « Nu couché », de Modigliani, a été acquis par un Chinois.
MONDE - Si les acheteurs asiatiques acquièrent depuis plus de dix ans des produits de luxe occidentaux, leur intérêt se porte désormais sur les œuvres occidentales issues de l’art impressionniste et moderne, de l’art contemporain et même du design et de la peinture ancienne.
Selon Aurélie Vandevoorde, directrice du département d’art impressionniste et moderne de Sotheby’s Paris, « cette tendance existe depuis 2010 mais elle s’est accentuée depuis 2014 ». Un communiqué de l’auctioneer affirme même que lors des grandes ventes de New York de mai 2015, « les collectionneurs privés asiatiques ont contribué pour plus de 30 % au résultat total de la vacation ». La preuve en est, trois des cinq lots phares de la vente du 5 mai ont été emportés par des Asiatiques. Parmi ces œuvres : L’Allée des Alyscamps de Van Gogh (61,4 M€) ou Femme au chignon dans un fauteuil, de Picasso, achetée pour 27,7 millions d’euros par le président de Huayi Brothers Media, Wang Zhongjun. Mais l’achat asiatique le plus remarqué de l’année concerne celui du Nu couché de Modigliani, adjugé à un prix record pour l’artiste, 170,4 millions de dollars (158 M€), chez Christie’s New York le 9 novembre par le milliardaire chinois Liu Yiqian, lequel va l’exposer dans son musée, le Long Museum (Shanghaï). « Sans ces enchères asiatiques, en particulier chinoises, les ventes n’atteindraient pas ces résultats », notait Christian Ogier, marchand à Paris.
En art contemporain, on assiste au même phénomène. À titre d’exemple, en mai 2014 chez Christie’s New York, c’est un collectionneur asiatique qui a emporté Three Studies for a Portrait of John Edwards, de Francis Bacon, pour 59 millions d’euros. Cette année, chez Sotheby’s New York, The Ring (Engagement), de Roy Lichtenstein a été acquis par un acheteur hongkongais à hauteur de 38,5 millions d’euros.
Œuvres « immédiatement identifiables »
Phénomène moins flagrant parce que les prix sont moindres, les Asiatiques achètent aussi de la peinture ancienne. « Depuis environ deux ans, nous remarquons que certains achats majeurs sont réalisés par une clientèle chinoise, nouvelle sur ce marché », commente Pierre Étienne, directeur du département des tableaux anciens chez Sotheby’s Paris. En juillet à Londres, l’auctioneer a cédé à un Asiatique un Portrait d’enfant par Ferdinand Bol, élève de Rembrandt, pour 6,8 millions d’euros. Même constat chez Christie’s qui indique que « 14 % des acheteurs “old masters” dans le monde sont chinois ». Or, « quand je suis arrivé à Hongkong en 2010, nos clients asiatiques ne représentaient que 5 % de nos ventes au niveau mondial », rappelle François Curiel, président de Christie’s Asie.
Ces nouveaux acheteurs s’ouvrent également au design. Dans la vente d’Artcurial du 27 octobre, ils ont acquis deux des cinq lots phares, soit un bahut de Jean Prouvé et une bibliothèque de Charlotte Perriand.
Que recherchent ces amateurs d’art assez éloignés du profil classique ? Selon un connaisseur du marché, « ils privilégient les valeurs sûres, les œuvres immédiatement identifiables, comme des trophées, ainsi que les grands formats. Souvent, ils n’y connaissent rien ou pas grand-chose, mais se font conseiller par des spécialistes qui leur démontrent que c’est un bon placement, une manière d’entrer dans le cercle très fermé des élites de ce monde. C’est une reconnaissance sociale ». Cependant, si le goût de ces collectionneurs pour les œuvres d’art du XXe siècle est avéré, pour les pièces plus classiques, l’heure n’est pas « aux conclusions à long terme », note Pierre Étienne.
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Quand la Chine regarde l’Occident
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°449 du 22 janvier 2016, avec le titre suivant : Quand la Chine regarde l’Occident