PARIS
Avec « Carne dei fiori », à la Galerie Templon, l’artiste se confronte à un sujet plusieurs fois survolé dans son œuvre : les fleurs.
Paris. L’avantage avec Philippe Cognée, c’est qu’il se remet en question et renouvelle son sujet à chacune de ses expositions, tout du moins à Paris. La précédente, il y a tout juste trois ans, évoquait des foules et des tours fourmilières. Celle-ci, la septième dans cette même galerie depuis 2003, est entièrement consacrée aux fleurs. Mais si Philippe Cognée (né en 1957) change régulièrement de thème, il est en revanche resté fidèle, depuis 1993, à cette technique si particulière qui le voit dans un premier temps prendre lui-même des photos ou les capturer sur Internet. Il peint ensuite ses motifs avec des pigments mélangés à la cire d’abeille, sur une toile collée sur bois. Puis il recouvre la surface avec un film plastique et le repasse avec un fer pour faire fondre, flouter, défigurer ses images. Et proposer en conséquence une autre perception du monde avec une vision trouble et mouvante, en meilleure correspondance avec l’instabilité constante du réel.
Des fleurs, donc. Ce n’est pas la première fois que Philippe Cognée se penche sur le sujet. Il l’avait déjà effleuré en 1994, au tout début de son travail à la cire, avec un petit tableau (50 x 70 cm) qui représentait des roses rouges sur un fond de neige blanche. Quelques années plus tard, en 2007, il l’avait à nouveau cueilli, mais à froid, juste avec une grande aquarelle évoquant des lys. Puis en 2012, le sujet a repoussé, juste le temps de deux grands tableaux figurant des amaryllis rouges dont les fleurs fanées rappelaient des chairs en putréfaction. « Je voulais continuer, je ne l’ai pas fait immédiatement ; je ne sais pas pourquoi, mais je savais que j’y reviendrai un jour », indique l’artiste.
C’est chose faite et, cette fois, le choix du sujet a été mûrement réfléchi. « Il est né au printemps dernier quand je voyais les pivoines, dans mon jardin, perdre leurs pétales. En regardant de très près, j’ai vu la beauté de cette déchéance », précise-t-il. Il repense alors à ses amaryllis rouges, décide d’aller en acheter et de les faire faner. « Ce qui m’intéressait, ce n’était pas les fleurs dans leur beauté, mais plutôt dans leur fragilité, leur côté éphémère. Il y avait à la fois la fatigue des pétales et l’apparition des graines, à la fois la mort et la vie. »
Dans cette série d’une vingtaine de toiles récentes, aux côtés de quelques roses, tulipes et tournesols, on retrouve évidemment en majorité des pivoines et des amaryllis. Autrement dit, les fleurs les plus proches de la chair en décomposition et des carcasses qu’il peignait en 2007, celles qui incarnent le mieux les deux aspects précités – vie et mort –, auréolés d’un troisième, caractérisé par une touche charnelle, voire sexuelle très marquée. Une manière de mettre sur le devant de la scène les duettistes Éros et Thanatos. Dans sa façon de cadrer son sujet en très gros plan, de façon frontale et de nous mettre vraiment le nez dans les plis et la chair des fleurs (l’exposition est d’ailleurs titrée « Carne dei fiori »), Philippe Cognée conjugue en effet parfaitement érotisme et tragédie. L’érotisme qui saute aux yeux avec tous ces pistils, corolles et lèvres qui s’en donnent à cœur joie. Et la tragédie avec une proximité du sujet, une densité de la couleur (le plus souvent rouge sur fond noir) qui accentuent la tension et font sans doute de cette série la plus forte qu’il ait jamais réalisée. Peut-être aussi l’une des plus picturales, puisque depuis ses débuts, Philippe Cognée a passé en revue tous les grands sujets de l’histoire de la peinture, paysages, portraits, natures mortes et, ici, ces fleurs comme autant de vanités.
Entre 11 000 euros pour le plus petit tableau et 70 000 euros pour les plus grands, ils restent très abordables, notamment sur la scène internationale, pour un artiste qui, au vu de sa carrière, mériterait largement une grande exposition dans une institution parisienne, ce qu’il n’a encore jamais eu.
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Philippe Cognée dans la fleur de sa peinture
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°538 du 31 janvier 2020, avec le titre suivant : Philippe Cognée dans la fleur de sa peinture