Le thème de la multitude est traité de manière plus métaphorique dans les nouvelles séries de l’artiste présentées à la galerie Daniel Templon.
PARIS - Pour sa septième exposition chez Daniel Templon, depuis le début de leur collaboration en 2003, Philippe Cognée (que l’on n’a pas vu à Paris depuis quatre ans), investit les deux espaces de la galerie. Dans le plus petit, celui de l’impasse Beaubourg, il présente une série de toiles sur le thème de la tour de Babel. Si l’une d’entre elles fait référence au tableau de Brueghel, les autres s’en écartent, mais toutes évoquent cette architecture utopique et complexe qui rappelle à Cognée la forme des termitières dans lesquelles il donnait des coups de pied, durant son enfance et adolescence en Afrique. Des termites, donc : cela tombe bien puisque l’autre série d’œuvres, accrochées au 30 de la rue Beaubourg, prend pour sujet les foules et évoque des fourmis ou des abeilles, pour lesquelles la tour de Babel suggère… une ruche idéale. Car c’est bien de grilles, de trames et surtout de grouillements dont il s’agit dans ces deux séries. Et de mouvements, en conséquence. Il y en a beaucoup, dans cet effet de zoom qui nous rapproche de tous les petits personnages, comme dans ces balayages les faisant ressembler à des vols d’hirondelles en formation, à ces masses compactes qui se déplacent, se défont et se refont. Ce qui produit cet effet anxiogène de l’essaim, du flot, du groupe, de la multitude, et par métaphore de la concentration urbaine et humaine, un sujet cher à Cognée qui le traite, sous diverses formes, depuis plus de quinze ans. « J’ai toujours comparé avec angoisse certaines villes à une fourmilière, dit-il. Quand je vais à Tokyo, Mexico, Pékin, cela me paraît inconcevable. Comment peut-on vivre aussi nombreux dans un espace aussi restreint ? C’est ça la vraie question, la question fondamentale de nos sociétés. »
Taches et touches
Si le thème est récurrent, la façon de le traiter est ici nouvelle. Certes l’artiste est resté fidèle à sa technique si particulière qui le voit peindre à la cire, recouvrir celle-ci d’un film plastique et le repasser avec un fer pour faire fondre, flouter, défigurer ses images. Mais il peint cette fois directement ses sujets sur toile (marouflée sur bois), sans passer par l’étape photographique. Jusqu’à présent, il reprenait en effet en peinture les photographies prises par lui-même ou captées sur Internet. Là, il se lance dans une improvisation permanente qui, au final, donne un aspect beaucoup plus pictural. Moins figuratives, les œuvres évoquent au premier coup d’œil des taches, des touches de couleur, des tonalités de plus en plus riches et subtiles, le tout agencé par des rythmes, des flux joliment maîtrisés. Certaines de ces constellations rappellent le cosmos, ici un rayonnement, là un trou noir concentrant les particules. D’autres, par le changement d’échelle et le passage du micro au macro, réveillent le crépitement d’une couleur. Avant d’identifier une figure humaine et, dans la foulée, toutes les autres, l’œil se promène et suit ce qui se passe à la surface du tableau. « Je considère toujours que la peinture est une surface plate, affirme Cognée. Faire un tableau, c’est poser de la matière sur une surface. C’est une histoire de peau, raison pour laquelle le côté fripé ne me dérange pas. » Ce qui ne veut pas dire rester à la surface des choses. La profondeur et la densité des toiles leur donnent une énergie et un souffle qui génèrent un rapport physique à l’espace, renforcé par les grandes dimensions et par une autre nouveauté : pour bon nombre d’œuvres, Cognée a choisi le format carré qui donne immédiatement la sensation d’un morceau d’espace, d’un échantillon détaché, bien plus qu’avec un format vertical (la figure) ou allongé (le paysage).
Ce sont encore les formats qui déterminent les prix compris entre 28 000 euros pour les plus petits (116 cm x 89 cm) et 58 000 pour les grands carrés (2 x 2 m). Une cote raisonnable pour un artiste âgé bientôt de 60 ans (il est né en mars 1957 à Nantes, où il vit et travaille), suivi depuis longtemps en France aussi bien par des collectionneurs privés que par les institutions. D’autant qu’il commence à intéresser un marché international, principalement européen pour l’instant comme en témoigne la présence de ses œuvres dans plusieurs collections allemandes ou suisses. Et dans quelques collections américaines, où, comme pour beaucoup d’artistes français de sa génération, il reste encore, là-bas, beaucoup de travail à faire.
Nombre d’œuvres : 22
Prix : entre 28 000 et 58 000 €
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Cognée, foules monumentales
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 4 mars, galerie Daniel Templon, 30, rue Beaubourg et impasse Beaubourg, 75003 Paris, tél. 01 42 72 14 10, www.danieltemplon.com, du lundi au samedi 10h-19h.
En savoir plus
Consulter la fiche biographique de Philippe Cognée
Légende Photo :
Philippe Cognée, Solar Crowd, 2016, peinture à la cire sur toile, 150 x 150 cm. Courtesy Galerie Daniel Templon, Paris/Bruxelles
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°471 du 20 janvier 2017, avec le titre suivant : Cognée, foules monumentales