PARIS
Les ventes, bien que significatives, ont été en retrait par rapport aux années précédentes, et ce pour de nombreux marchands, témoignant d’un marché en tension.

Paris. « À quoi sert un salon aujourd’hui ? Il ne s’agit pas de rentabilité », assurait Hervé Loevenbruck, de retour d’une exposition d’Alina Szapocznikow au Kunstmuseum de Ravensburg (Allemagne), qui voyagera à la rentrée au Musée de Grenoble. Les successions historiques (en particulier celle-ci) tiennent il est vrai la galerie à l’abri des tensions actuelles du marché. « La participation à la foire rentre dans nos frais de communication. Nous sommes là pour rassurer nos collectionneurs et en rencontrer de nouveaux. » Meublé comme un appartement de pièces de design vintage (avec notamment un ensemble Beat Frank réalisé pour le couvent de La Tourette), le stand de Loevenbruck à Art Paris (du 3 au 6 avril) se voulait accueillant : les statues et masques d’arts premiers côtoyaient les œuvres récentes signées Dewar & Gicquel ou Blaise Drummond, et les œuvres historiques rares telles que les tableaux de sable d’André Masson et les sculptures animées de Takis. Le samedi soir, la galerie assurait avoir vendu « une trentaine d’œuvres entre 2 500 et 50 000 euros », soit un chiffre d’affaires significatif mais « légèrement en retrait par rapport aux dernières années ».
La bulle du Grand Palais n’était donc pas totalement étanche ? « Bien sûr, la conjoncture est difficile. Les spéculateurs ont disparu ! Les œuvres chères sont plus difficiles à vendre, sauf quand elles sont exceptionnelles », convenait Stéphane Custot, de la galerie Waddington Custot (Londres), qui faisait ses premiers pas sur la foire. Satisfait cependant d’avoir écoulé environ la moitié des vignettes (sur un ensemble de 68) au feutre et au crayon de Jean Dubuffet, en plus d’avoir vendu deux toiles de Fabienne Verdier ainsi qu’une sculpture de Sophia Vari.
Membre du comité de sélection, Michel Rein défendait à l’issue de l’édition 2025 un bilan positif : « Pour nous, la foire a été bonne. Nous avons vendu notamment plusieurs œuvres de la série des “Pathos Formel” de Michele Ciacciofera ; un exemplaire de la sculpture en bronze d’Edgar Sarin (45 000 €). La grande toile intitulée Virginia Valadon (2014) d’Agnès Thurnauer est partie dans une collection privée française. »
Anne-Claudie Coric, la directrice de la galerie Templon, observait que ce sont essentiellement les collectionneurs parisiens qui étaient au rendez-vous. « Nous avons vendu plus d’une vingtaine d’œuvres, dans toutes les gammes de prix, affirmait-elle : des dessins d’Abdelkader Benchamma (3 500-15 000 €) aux œuvres de Gérard Garouste (120 000 € pour son tableau exposé au centre du stand), mais aussi des petits portraits de Kehinde Wiley (200 000 $). »
« Le rythme de la foire n’a pas été effréné », constatait sobrement Christian Berst, qui avait confié la scénographie de son stand à Annette Messager, et notait « un intérêt accru pour l’art brut ». Jeanne Bucher Jaeger, qui fête cette année son centenaire, était venue pour l’occasion avec des pièces d’envergure comme une monumentale peinture sur soie de Yang Jiechang (450 000 €), qui a été remballée le dimanche soir. « La foire a été très calme, dans le prolongement d’un marché de plus en plus difficile depuis quelques mois à Paris. Nous avons vendu, notamment les peintures de Laura Garcia-Karras, mais moins que d’habitude et les transactions prennent beaucoup de temps, relevait pour sa part Anne-Sarah Bénichou, déplorant le recul des achats « coups de cœur ».
La 193 Gallery avait pris le risque de présenter un solo, en l’occurrence de Rafael Domenech, artiste d’origine cubaine en début de carrière, bien identifié sur la scène américaine mais quasi inconnu en France (si ce n’est une exposition au centre d’art La Passerelle, à Brest, en 2022). À la fin du week-end, trois ventes étaient confirmées. « Si nous confirmons une quatrième vente en cours, nous rembourserons notre stand », calculait le galeriste. Le coût du stand se montant à 30 000 euros, la galerie devait vendre pour 70 000 euros.
Les galeries positionnées sur l’art moderne ont fait face aux mêmes incertitudes. Hélène Bailly n’a pas trouvé d’acquéreurs pour ses dessins de Picasso. La Galerie Zlotowski, venue avec entre autres une très grande mosaïque de Sonia Delaunay de 1954 et des œuvres rares d’Otto Freundlich, n’est pas parvenue à les vendre. « Les annonces de Trump et les chutes des indices boursiers n’ont clairement pas aidé », commentait Yves Zlotowski. Occupant pour sa part un stand mixte, Clavé Fine Art dressait lui aussi un bilan plus mitigé que lors de ses deux précédentes participations. « Nous avons fait face à un ralentissement sur les œuvres de second marché et les successions. Même si les clients sont là, la conclusion des transactions prend plus de temps : nous le ressentons depuis plusieurs mois. »
Quelques galeries du secteur « Promesses », réparties sur les balcons en surplomb de la nef, ont tiré leur épingle du jeu. Prima Gallery était non seulement rentrée dans ses frais, mais enregistrait un solde positif. « Le stand nous a coûté 13 000 euros et nous avons vendu pour près de 50 000 euros : toutes les peintures de la série des “Piscines” de Bryce Delplanque, et deux grandes céramiques murales d’Héloïse Rival. » Quant à la galerie Anne-Laure Buffard, elle a capitalisé avec succès sur la riche actualité d’Ilanit Illouz (dont une œuvre est actuellement exposée dans l’exposition « Apocalypse » à la BNF et qui bénéficiera d’une exposition monographique à la Maison européenne de la photographie à Paris en juin prochain). Ce fut un quasi un sold out dès les deux premiers jours (de 1 200 € à 15 000 € pièce). Comme son confrère Felix Frachon (Bruxelles), la galerie a reçu la visite des American Friends du Musée d’Orsay, de passage à Paris.

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Pas de miracle pour Art Paris 2025
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°653 du 11 avril 2025, avec le titre suivant : Pas de miracle pour Art Paris 2025