Galerie

ART CONTEMPORAIN

Neto, avant qu’il ne soit trop tard

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 7 avril 2022 - 531 mots

PARIS

L’artiste brésilien Ernesto Neto s’engage à travers ses œuvres pour l’écologie, s’inspirant particulièrement de l’Amazonie et des peuples autochtones.

Paris. Il faut d’abord se déchausser. Puis pénétrer à l’intérieur de la très grande installation, Offrande pour une nouvelle conscience (6,5 x 6,7 x 5,9 m, voir ill.), pour la découvrir réellement, la comprendre, s’en imprégner. L’effet de surprise est d’autant plus net qu’Ernesto Neto a été très peu vu en galerie à Paris. Les dernières remontent à 2002 et 2005 chez Yvon Lambert et celle-ci, spectaculaire, est la première chez Max Hetzler – qui l’a par ailleurs exposé trois fois sous son enseigne berlinoise. En revanche, l’artiste brésilien (né en 1964, à Rio de Janeiro, où il vit et travaille) s’est souvent emparé de grands espaces institutionnels, à l’exemple de son « Leviathan Thot » présenté au Panthéon en 2006 ou encore la grande nef du Musée des beaux-arts de Nantes en 2009, au point qu’on pouvait justement se demander comment Neto allait s’accommoder d’un espace plus restreint. En fait, il investit totalement la plus grande salle de la galerie, sans pour autant la saturer, puisqu’entre manège et kiosque à musique, l’œuvre composée d’une maille de coton tricotée au crochet est très aérée, aérienne et qu’elle nous invite à pénétrer en son centre pour y découvrir une structure, comme une table-tronc constituée de tranches de contreplaqué superposées, en référence à un arbre d’essence sacré (le samauma), « l’arbre de vie » pour plusieurs peuples indigènes. Et la vie ici, ce sont aussi les plantes aromatiques qui l’entourent et les interactions entre l’humain et la nature pour faire de ce havre multisensoriel un espace de sérénité et d’éveil de la conscience face à l’équilibre du monde et à sa fragilité. À l’exemple des correspondances ici entre le minéral et le végétal, ou le poids et l’apesanteur symbolisés par ces gouttes de coton suspendues à la structure et remplies de galets. Des gouttes de galets en somme, pour un bel oxymore.

Un artiste engagé pour la planète

Dans la seconde salle, une autre installation, de taille plus modeste, est suspendue au plafond comme un lustre. Elle reprend le principe des gouttes pendantes, le coton au crochet (mais ocre jaune cette fois, teint par différentes épices) et le système des oppositions. Mais l’opposition la plus marquée est celle que l’on découvre dans les tableaux accrochés aux murs. Sur fond noir, en signe du deuil de la terre qui perd ses ressources, ils dénoncent la déforestation en Amazonie et l’industrie agroalimentaire par le biais de graphiques réalisés, entre autres, avec des graines de soja. Comme un cri d’alarme, un « Ultimatum » (selon le titre de l’exposition) que lance Neto très engagé et concerné depuis de nombreuses années par les problèmes de surconsommation et de réchauffement climatique.

Entre 16 000 dollars pour les plus petits tableaux et 330 000 pour la grande installation, les prix sont conséquents. Ils s’expliquent par le fait que Neto a, d’une part, toujours été très présent sur la scène internationale, aussi bien par ses multiples participations aux grandes manifestations – la liste est longue – qu’à ses nombreuses expositions dans des musées et institutions. Et qu’il figure, d’autre part, dans beaucoup de prestigieuses collections publiques et privées.

Ernesto Neto, Ultimatum,
jusqu’au 15 avril, Galerie Max Hetzler, 57, rue du Temple, 75004 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°586 du 1 avril 2022, avec le titre suivant : Neto, avant qu’il ne soit trop tard

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