Sans statut, la profession est hétérogène. La clientèle, le type de missions assumées, la localisation géographique… fragmentent aussi l’activité.
L’absence en France, et dans la plupart des pays, d’un statut de l’expert a pour conséquence la multiplicité des “appellations” et la difficulté pour le profane de s’y retrouver. Les administrations, les compagnies d’assurances, les tribunaux… ont besoin d’expert. Il en existe donc “près les douanes”, “agréés par les compagnies d’assurances”, “près d’une cour d’appel”, “près de la Cour de cassation”…
L’expert français – contrairement à son homologue anglo-saxon qui est généralement intégré aux grandes maisons de ventes aux enchères – est un indépendant. Il n’est donc pas, en principe, salarié d’un commissaire-priseur ou d’une entreprise. D’une confiance réciproque naît une fidélité. Mais l’expert a le droit de choisir ceux avec qui il veut travailler. En France, beaucoup d’experts sont également marchands. Ceux-ci doivent s’imposer une stricte déontologie pour éviter d’infléchir leur diagnostic en fonction de leur propre commerce.
Paris, province
Il y a peu de relations entre le cabinet parisien spécialisé, travaillant beaucoup pour les ventes publiques, sans activité de négoce, et l’expert opérant en province, souvent en complément d’activités de commerce, rarement sollicité pour des ventes publiques. Les cabinets concentrent le savoir, la documentation sur leur domaine, mais également les carnets d’adresses des collectionneurs, acheteurs et vendeurs, amateurs et professionnels. Les ventes de successions importantes ou la dispersion de collections prestigieuses étant un secteur très concurrentiel, les experts doivent étendre leur champ d’action à l’organisation de ventes de spécialité, souvent avec le concours de marchands. Dans les grandes métropoles, des marchands spécialisés peuvent également agir directement comme experts (en ventes publiques, mais également dans le cadre d’expertise privées ou judiciaires). Ces cabinets et marchands interviennent accessoirement comme conseiller ou “sapiteur” (suivant la terminologie des compagnies d’assurances) dans les opérations des experts généralistes que l’on trouve plus souvent en province.
Associations et syndicats professionnels
En l’absence de statut et de règles organisant le choix et le contrôle des experts, les professionnels se regroupent en associations ou syndicats professionnels. Pour adhérer à ces organisations, les postulants doivent remplir des conditions de pratique professionnelle – généralement dix ans d’exercice –, de moralité, de spécialisation (démontrée par leur pratique, et éventuellement des publications ou mémoires, parfois des examens). Certaines organisations ont entrepris des actions de formation et de perfectionnement professionnel, encore relativement peu développées. La plupart des experts non marchands sont regroupés dans le Syndicat français des experts professionnels, qui compte également quelques négociants. Les experts marchands sont plus souvent affiliés à la CNE (Compagnie nationale des experts) ou à la CNES (Chambre nationale des experts spécialisés), cette dernière étant davantage implantée en province et intervenant également sur les foires et salons en concurrence avec la FNEPSA (Fédération nationale des experts professionnels).
Les généralistes
Le qualificatif d’expert généraliste peut sembler paradoxal. En fait, il exprime un rôle et une compétence géographique plus que technique, nombre d’experts généralistes développant aussi des spécialités, certains étant d’ailleurs reconnus dans la leur. On les trouvera plus souvent en province, où l’on comprend que la moindre densité des opérations d’expertise leur impose économiquement d’avoir des activités connexes (négoce, expertise d’assurances, intervention sur les salons etc.). La répartition des rôles entre les experts spécialisés et les généralistes s’opère de deux façons : géographiquement et par type d’intervention. Géographiquement l’expert généraliste sera sollicité pour des interventions pluridisciplinaires (inventaire, partage de succession, sinistre, contrôle des salons) ou pour des interventions plus pointues dans sa région de résidence (par exemple les expertises judiciaires pour ceux qui sont inscrits sur la liste d’une cour d’appel). Si la mission ou un de ses éléments nécessitent une compétence très spécialisée, il peut faire appel à un confrère. Parmi les types d’intervention, il faut relever les activités en relation avec les ventes publiques. Si les commissaires-priseurs ne sont pas, à proprement parler, des experts, ce sont des généralistes spécialisés dans l’estimation (la prisée), ce qui les met en concurrence avec les experts généralistes pour certaines opérations (inventaire, succession, assurance…). De la même façon que les généralistes, ils feront donc appel à des experts spécialisés dans les disciplines pointues, en particulier pour assurer les descriptions et garantir l’authenticité des œuvres. Cela présente un double intérêt pour les commissaires-priseurs : juridique, car le recours à un expert dégage leur responsabilité au titre de l’authenticité ; commercial, parce que la présence d’un expert réputé contribue à l’image de la vente. Une démarche similaire existe pour les foires et salons qui prétendent à un certain niveau. Ainsi la Biennale internationale des antiquaires constitue un comité d’expertise de près de 80 spécialistes opérant par groupe de trois ou quatre. Les salons les plus importants mobilisent des groupes de deux, trois et jusqu’à une dizaine d’experts.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Les experts, qui sont-ils ?
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°58 du 10 avril 1998, avec le titre suivant : Qui sont-ils ?