La maîtrise d’un vocabulaire, qui prend parfois l’allure d’un langage codé, distingue souvent l’expert du marchand. S’il n’est pas toujours intelligible, il y a toutefois des moyens d’en effectuer un premier déchiffrage. Inventaire.
Il existe un “espéranto” de l’expertise qui exprime la pluralité des savoirs et des approches mis en œuvre sur le marché de l’art. Il peut être difficile à déchiffrer. Aussi est-il important de consulter des ouvrages de référence, tels, pour le mobilier et les objets, ceux de l’Inventaire général, le “must” de la terminologie descriptive. Par ailleurs, le Minitel peut donner accès à des sources considérables : 3614 Joconde pour les noms d’artistes, l’iconographie, certaines sources d’histoire de l’art... ; 3615 Artcotes pour les prix et certains pedigree ; 3615 BPI ou Électre pour vérifier des références bibliographiques. L’Internet permet des recherches encore plus approfondies.
Superlatifs : méfiance
Ensuite, il faut s’arrêter aux vocables descriptifs précis et aux noms propres, ainsi qu’aux références bibliographiques. L’amateur verra ainsi apparaître un premier profil du langage utilisé. Les nombreux qualificatifs ornementaux – “beau”, “rare”, “exceptionnel”, “remarquable” – peuvent être négligés. Une foule d’adjectifs sans signification précise peut d’ailleurs être un premier indice de médiocrité. Si le langage foisonne de superlatifs, s’il est riche de mots ou noms propres introuvables, méfiance : cet excès exclut le travail d’un érudit. Les redondances sont moins inquiétantes, sauf pléthore. S’il y a des références (collections, bibliographies...), un examen sommaire permet de voir si elles sont accompagnées des précisions permettant l’accès à l’information dont elles font état. Les longs développements historiques ou généalogiques sont à apprécier suivant la façon dont ils sont mis en relation avec l’œuvre décrite. Les formes verbales ou adjectifs conditionnels – “pièce similaire”... “aurait appartenu”... “pourrait avoir été”... – sont à considérer avec prudence, surtout lorsqu’elles s’enchaînent : précautions chez les scientifiques, elles peuvent devenir négations déguisées sur le marché.
Le langage des garanties
Bref, il est possible de faire ainsi un premier décodage. Mais toute règle suppose des exceptions et impose le recoupement. Le décret du 3 mars 1981, qu’il est essentiel de connaître (lire notre encadré), permet ce recoupement. Dans une approche associant le droit, l’histoire de l’art et les usages professionnels, il permet très simplement de voir si le langage utilisé apporte des garanties précises. Ce décret permet à tout acheteur de demander au vendeur un descriptif écrit, valant certificat d’authenticité de l’objet acquis. Accompagné d’une photographie, ce certificat doit rappeler les caractéristiques annoncées de l’œuvre : nature, dimensions, état, attribution, datation, provenance, date de la vente, lieu de la vente, signature du vendeur…
Le décret du 3 mars 1981
Article premier. Les vendeurs habituels ou occasionnels d’œuvres d’art ou d’objets de collection ou leurs mandataires, ainsi que les officiers publics ou ministériels procédant à une vente publique aux enchères doivent, si l’acquéreur le demande, lui délivrer une facture, quittance, bordereau de vente ou extrait du procès-verbal de la vente publique contenant les spécifications qu’ils auront avancées quant à la nature, la composition, l’origine et l’ancienneté de la chose vendue.
Art. 2. La dénomination d’une œuvre ou d’un objet lorsqu’elle est uniquement et immédiatement suivie de la référence à une période historique, un siècle ou une époque, garantit l’acheteur que cette œuvre ou objet a été effectivement produit au cours de la période de référence. Lorsqu’une ou plusieurs parties de l’œuvre ou objet sont de fabrication postérieure, l’acquéreur doit en être informé.
Art. 3. À moins qu’elle ne soit accompagnée d’une réserve expresse sur l’authenticité, l’indication qu’une œuvre ou un objet porte la signature ou l’estampille d’un artiste entraîne la garantie que l’artiste mentionné en est effectivement l’auteur. Le même effet s’attache à l’emploi du terme “par�? ou “de�? suivi de la désignation de l’auteur. Il en va de même lorsque le nom de l’artiste est immédiatement suivi de la désignation ou du titre de l’œuvre.
Art. 4. L’emploi du terme “attribué à�? suivi d’un nom d’artiste garantit que l’œuvre ou l’objet a été exécuté pendant la période de production de l’artiste mentionné et que des présomptions sérieuses désignent celui-ci comme l’auteur vraisemblable.
Art. 5. L’emploi des termes “atelier de�? suivis d’un nom d’artiste garantit que l’œuvre a été exécutée dans l’atelier du maître cité ou sous sa direction. La mention d’un atelier est obligatoirement suivie d’une indication d’époque dans le cas d’un atelier familial ayant conservé le même nom sur plusieurs générations.
Art. 6. L’emploi des termes “école de�? suivis d’un nom d’artiste entraîne la garantie que l’auteur de l’œuvre a été l’élève du maître cité, a notoirement subi son influence ou bénéficié de sa technique. Ces termes ne peuvent s’appliquer qu’à une œuvre exécutée du vivant de l’artiste ou dans un délai inférieur à cinquante ans après sa mort. Lorsqu’il se réfère à un lieu précis, l’emploi du terme “école de�? garantit que l’œuvre a été exécutée pendant la durée d’existence du mouvement artistique désigné, dont l’époque doit être précisée, et par un artiste ayant participé à ce mouvement.
Art. 7. Les expressions “dans le goût de�?, “style�?, “manière de�?, “genre de�?, “d’après�?, “façon de�?, ne confèrent aucune garantie particulière d’identité d’artiste, de date de l’œuvre, ou d’école.
Art. 8. Tout fac-similé, surmoulage, copie ou autre reproduction d’une œuvre d’art ou d’un objet de collection doit être désigné comme tel.
Art. 9. Tout fac-similé, surmoulage, copie ou autre reproduction d’une œuvre d’art originale au sens de l’article 71 de l’annexe III du Code général des impôts, exécuté postérieurement à la date d’entrée en vigueur du présent décret, doit porter de manière visible et indélébile la mention “Reproduction�?.
Art. 10. Quiconque aura contrevenu aux dispositions des articles 1er et 9 du présent décret sera passible des amendes prévues pour les contraventions de la cinquième classe.
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°58 du 10 avril 1998, avec le titre suivant : Comment déchiffrer l'expéranto ?