Une quarantaine d’œuvres sur toile ou sur papier de Bernard Réquichot sont soigneusement choisies et exposées à la Galerie Alain Margaron.

© Adagp Paris 2025
Paris. Intitulée « Penser par la peinture », cette exposition de Bernard Réquichot (1929-1961) présentée à la Galerie Alain Margaron est construite dans la continuité de la rétrospective que lui a consacrée il y a tout juste un an (de mars à septembre 2024) le Centre Pompidou sous le titre « Je n’ai jamais commencé à peindre ». Une façon, en somme, et quel que soit l’angle par lequel on aborde cette œuvre, de rappeler le rapport complexe que l’artiste a entretenu avec cette discipline durant sa courte carrière, soit une dizaine d’années.
L’ensemble ici soigneusement choisi, autour d’une petite quarantaine d’œuvres sur toile ou sur papier dont plusieurs sont montrées pour la première fois, ouvre d’ailleurs par une des premières en date (Sans titre, vers 1950), une huile additionnée de sable sur toile, et s’achève par un magnifique Ciel prolifique (de 1960). Entre ces deux bornes, on peut découvrir de splendides papiers, une surprenante huile évoquant un animal aux formes assez cubistes dans une très subtile gamme de gris, ou une rare huile au couteau sur papier marouflé avec prélèvement de toiles déjà peintes. Cette dernière rappelle que, dans sa folle exigence, Réquichot n’hésitait pas à découper des toiles qui ne lui convenaient pas pour en prélever les morceaux qui l’intéressaient et les coller dans une autre composition.
Au-delà de la qualité intrinsèque de chaque œuvre et de leur apparente diversité, l’exposition (la 3e dans cette même galerie depuis 2015) rappelle justement la grande diversité des techniques utilisées par Réquichot et notamment de l’encre sur papier, de l’encre à la plume sur carton avec rehauts de gouache et de crayon, ou des collages de revues découpés et collés sur Isorel.
Est soulignée ici la cohérence de l’œuvre, avec une récurrence de certains thèmes – l’énergie, la (re)naissance, l’explosion cosmique, le passage du micro au macrocosme… Et une constance de motifs comme celui de la spirale, de la boucle, laquelle, comme une écriture sans fin, un enchaînement de la lettre « e », évoque ici un banc de crevettes, là des formes cellulaires ou végétales.
L’ensemble met aussi très bien en avant la notion de « fulgurance », qui dynamise chacune de ses créations comme si l’artiste dépressif qui s’est suicidé par défenestration à tout juste 32 ans, l’avant-veille de l’inauguration de son exposition à la galerie Daniel Cordier, était mû par une urgence existentielle. Ici ou là, les traits fusent, les constellations explosent, les entrelacs de boucles se resserrent sur eux-mêmes et se densifient, comme aspirés par un trou noir, ou au contraire lancent des spirales en fuite vers des infinis suspendus.
Avec des prix allant de 15 000 jusqu’à 300 000 voire 400 000 euros pour des pièces exceptionnelles, et une moyenne autour de 100 000 euros (qui correspond au prix en ventes publiques), la cote de Réquichot est solide. Elle s’explique par « une forte demande », précise Alain Margaron, qui a racheté la plupart des œuvres de l’exposition à la collection Daniel Cordier et à l’un de ses associés. Et également parce que, comme le rappelle le catalogue raisonné publié en 1973 avec des textes de Roland Barthes (oui, oui !), Marcel Billot et Alfred Pacquement, Bernard Réquichot a seulement produit quelque 500 œuvres au total. À signaler, l’édition d’un livre-catalogue signé par Éric Méchoulan et intitulé Je ne sais pas c’qui m’quoi (éd. L’Atelier contemporain), rappelant que l’artiste écrivait aussi de la poésie sonore.
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Le one-man-show de Réquichot
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°653 du 11 avril 2025, avec le titre suivant : Le one-man-show de Réquichot