Comme le rappelle tristement la prise de pouvoir des talibans en Afghanistan, chaque conflit possède ses photographes, ses images… Mais la photographie de guerre se collectionne-t-elle ?
Collectionner - En 2019, Don McCullin était le premier photojournaliste à bénéficier d’une monographie à la Tate Britain. Les reportages de guerre du célèbre photographe britannique, élevé sir par la reine, était au cœur de cette monographie qui n’était pas la première. Exposé depuis plus de quarante ans par les musées britanniques les plus prestigieux, Don McCullin bénéficie également d’expositions régulières au sein de la non moins prestigieuse Hamiltons Gallery qui le représente. On le retrouve encore cette année à Paris Photo sur le stand de la galerie londonienne, le prix d’un tirage d’époque commençant à 15 000 livres (soit 17 490 euros). Les galeries qui réservent une partie de leur stand à la photographie de guerre dans le cadre d’une foire font cependant exception, et encore plus rares sont les photojournalistes à voir leurs images atteindre de tels niveaux de prix de leur vivant – même après leur mort. Les talents pourtant ne manquent pas, ni les icônes.
« Il y a des images qui ont leur place au musée et pas nécessairement en galerie ou sur le stand d’une foire. Édouard Elias a fait des images de guerre pour la presse qu’il ne propose pas en vente dans la galerie », souligne Sidonie Gaychet, directrice adjointe de la galerie Polka. « La réception d’une photographie de guerre sur le marché dépend de ce qui reste de cette image, passé l’actualité, tant sur le plan du symbole que de l’esthétique. La photographie de Sebastião Salgado des puits de pétrole en feu a dépassé le contexte de l’occupation du Koweït par l’Irak en 1991 », son prix, de 9 000 à 50 000 euros selon le format pour un tirage non numéroté, s’établissant dans la fourchette haute des prix demandés pour une photographie de guerre. Car le prix moyen se situe en général entre 1 500 et 3 000 euros pour un photographe référencé pour sa manière de narrer le conflit. L’intérêt porté par les acquéreurs à tel ou tel photographe, ou à tel ou tel conflit, est un facteur déterminant dans la cote. Reste que le niveau de prix dépend surtout de la visibilité donnée à son auteur par tel musée de référence. Ainsi, celui des photographies de Gilles Caron n’a plus été le même à partir de la monographie que lui a consacrée en 2013 le Musée de l’Élysée à Lausanne. La première du genre.
Environ 42 000 €
1 - Robert Capa (1913-1954) Quand Robert Capa photographie ces soldats républicains à l’intérieur du palais du gouverneur en ruine (Aragon front. Battle of Teruel), il a 25 ans. La ville de Teruel, située sur le front de l’Aragon, n’est pas encore tombée aux mains des franquistes. Ces photographies de combat en plan rapproché de la guerre d’Espagne (1936-1939) l’ont déjà rendu célèbre. Car pour dépeindre la réalité de la guerre qu’il couvre depuis le début, il la photographie au plus près, si près que l’on a l’impression d’être sur le terrain. Cette image n’échappe pas à ce principe alliant puissance et émotion.
2 800 €
2 - Édouard Elias (né en 1991)À 60 km de Mossoul, les puits de pétrole en feu marquent la riposte de l’État islamique à l’avancée des forces antiterroristes irakiennes et constituent la trace d’une guerre d’Irak non refermée. Cette lutte des pompiers pour éteindre ces puits symbolise le combat contre Daesh pour le jeune photographe de guerre et ex-otage en Syrie Édouard Elias. Le choix de l’héliogravure pour l’impression de l’image renforce l’intensité et la gravité de la situation, tout en rappelant que la prise de vue n’est que la moitié d’une photographie.
Environ 23 000 €
3 - Don McCullin (né en 1935) La bataille de Hue, qui dura un mois, est l’une des plus meurtrières du conflit américano-vietnamien. Pendant deux semaines, Don McCullin est aux côtés des Marines. Jour et nuit, il colle aux combats, à leur violence. Le photographe britannique prend le maximum de risques pour capter les regards des soldats américains dans le feu de l’action. La grande liberté que lui donne l’armée américaine dans ses prises de vue, il ne la retrouvera dans aucun autre conflit par la suite. Elle lui permet de témoigner du chaos vécu par cette unité mais aussi de la solidarité qui les unit.
Environ 17 000 €
4 - Roger Fenton (1819-1869) La guerre de Crimée (1854-1856) a été le premier conflit de l’histoire photographié. De nombreux photographes furent dépêchés sur le terrain, dont Roger Fenton, envoyé par la reine Victoria. Des combats, cadavres et blessés de cette guerre européenne qui fit près de 600 000 morts, le photographe britannique ne montre rien, commande royale et contraintes techniques obligent. La topographie des lieux est privilégiée. Les silhouettes des officiers anglais regardant le port de Sébastopol sont à peine perceptibles, Fenton privilégiant l’arrière-plan dans sa composition.
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La photo de guerre
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°747 du 1 octobre 2021, avec le titre suivant : La photo de guerre