CHANTILLY
Photographe talentueux dans l’Angleterre du XIXe siècle, Roger Fenton est soudain confronté au reportage de guerre.
Chantilly. Roger Fenton a été l’un des photographes de la guerre de Crimée qui opposa, d’octobre 1853 à mars 1856, la Russie à une coalition formée par l’Empire ottoman, le Royaume-Uni, la France et le Royaume de Sardaigne. Quand le conflit éclate, le photographe anglais a 34 ans. Peintre et homme de loi de formation, il est devenu en deux ans seulement l’un des photographes les plus prisés par la reine Victoria et le prince Albert, mais aussi l’un des plus actifs pour inscrire la photographie parmi les arts au Royaume-Uni. Portraits, paysages, natures mortes, architectures, vues de Londres ou de Russie : Roger Fenton excelle dans tous les genres.
Au début de l’année 1855, l’éditeur William Agnew demande à Roger Fenton d’aller en Crimée pour réaliser des images destinées aux peintres et lithographes. Cette commande le confronte à un tout autre domaine : la photographie de guerre. Si la guerre américano-mexicaine (1846-1848) est le premier conflit à avoir été photographié, celle de Crimée le sera bien davantage. Fenton n’est pas le premier à s’y rendre mais le reportage qu’il effectue de mars à juin 1855 sur le siège de Sébastopol constitue le plus important ensemble de photographies de cette guerre qui nous soit parvenu : 360 prises de vue sur les 700 réalisées au total.
Le Musée Condé détient cinquante tirages de ce reportage, acquis par le Duc d’Aumale dès 1855. En 1994, Nicole Garnier-Pelle, conservatrice générale du patrimoine, chargée du Musée Condé au château de Chantilly, organisait une première exposition. Elle réitère aujourd’hui avec « Aux origines du reportage de guerre. Le photographe anglais Roger Fenton et la guerre de Crimée », dans les espaces feutrés du cabinet d’arts graphiques, à la lumière des dernières études menées sur le sujet. Ses portraits des états-majors anglais, français, ottomans ou croates et les vues de leurs camps respectifs dominent à côté des photographies des lignes de front de la région sud de Sébastopol et des portraits de tirailleurs algériens, ou de zouaves. Mais aucune scène de combat n’est présentée car le matériel photographique était trop volumineux et lourd à l’époque pour être transporté sur le front. L’arrière-front avec son cortège de blessés, de victimes du choléra qui décime les rangs, pas plus que la vie quotidienne ne sont documentés par Fenton. Seuls les paysages désertifiés portent la trace de la violence des combats, iconographie particulière du conflit dont se sont emparés nombre d’artistes contemporains.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°580 du 7 janvier 2022, avec le titre suivant : Chantilly raconte La guerre de Crimée de Roger Fenton