S’adapter ou disparaître. Alors que s’ouvrent les portes de la 44e édition de la Foire internationale d’art contemporain (Fiac), l’injonction darwinienne n’a jamais été aussi vraie pour la manifestation parisienne. Une stratégie autant qu’un impératif pour consolider sa position dans un contexte d’évolution du marché de l’art et de concurrence mondiale accrue.
Depuis plusieurs éditions, la grand-messe annuelle de l’art contemporain dans la Ville Lumière s’aligne sur le modèle de foires qui ont fait leurs preuves, à commencer par la première d’entre elles, Art Basel. D’année en année, sous l’impulsion de Jennifer Flay, sa directrice, la sélection des galeries à la Fiac est ainsi plus internationale. Un parti pris d’ouverture auquel elle doit sa relance, jusqu’à son succès actuel. Dans toutes les foires européennes, le poids des galeries étrangères va crescendo. Pionnière, la foire suisse de référence a donné le la. Dès 2005, comme à Liste Art Fair Basel, le taux de galeries étrangères y dépassait les 90 %. À la Fiac, depuis une dizaine d’années, la présence de galeries nord-américaines (Canada, États-Unis, Mexique) s’est considérablement renforcée. Elles représentent aujourd’hui plus de 20 % des exposants. Parmi ces enseignes, quelques-uns des mastodontes du marché : Gagosian, David Zwirner, Barbara Gladstone, Metro Pictures, Paula Cooper, Marian Goodman, Pace, Blum & Poe, Lehmann Maupin… Sans compter la nouvelle génération, de CLEARING à Reena Spaulings Fine Art, et l’arrivée cette année de David Kordansky ou Edward Tyler Nahem Fine Art. L’Amérique du Sud n’est pas en reste, de la Paulista Mendes Wood à Casa Riegner et Instituto de Visión à Bogotá. Plusieurs galeries représentent l’Asie : Édouard Malingue à HongKong et Shanghaï, Vitamin Creative Space à Guangzhou et Beijing, les meilleurs marchands de Séoul, dont Kukje Gallery, Experimenter à Calcutta ou encore Scai The Bathhouse et Tomio Koyama à Tokyo. Les Émirats arabes unis, l’Égypte et le continent africain sont également représentés, pour ce dernier par les Parisiennes In Situ-Fabienne Leclerc, Imane Farès ou Selma Feriani à Tunis et Londres. Les galeries françaises ne sont pas en reste avec le plus grand contingent, soit plus d’un quart. Plus des deux tiers des exposants sont européens. Au total pour ce millésime, le Grand Palais accueille 192 galeries, issues de 29 pays.
Plus d’internationalisation, moins de diversité
Cette internationalisation va de pair avec un taux de renouvellement important, ajouté à un mouvement de concentration. Avec six pays entrants, parmi lesquels la Norvège, la Suède, le Portugal, le Kosovo, le Grand Palais accueille cette année quarante nouveaux exposants. En un peu plus d’une décennie, le nombre de galeries communes à la Fiac, Frieze et Art Basel a progressé de 10 %. Si l’on compare les seules Fiac et Art Basel, ce chiffre est passé de 17 % en 2005 à plus de 43 % en 2015. Or à s’internationaliser – gage d’attractivité – les foires tendent paradoxalement à être moins diversifiées (lire p. 6). Au risque de l’uniformisation ? D’aucuns n’hésitent pas à remettre en question le modèle actuel, s’interrogeant sur l’intérêt à terme pour les collectionneurs, si le mouvement devait s’accentuer, de retrouver à des dates et dans des lieux interchangeables les mêmes artistes, présentés par les mêmes galeries.
Le Secteur général, dans la nef du Grand Palais, accueille 106 galeries internationales. Cette année plus encore, l’art moderne y sera représenté par de nombreux marchands spécialisés. De ce point de vue, la Fiac s’inscrit dans la ligne d’autres foires d’art contemporain, où le mélange des périodes est de plus en plus fréquent. Une tendance soutenue par une nouvelle génération de collectionneurs aux goûts moins cloisonnés, en demande de confrontation des styles – et de valeurs sûres. Certains redécouvrent avec intérêt les œuvres d’illustres aînés, parfois oubliés, sources d’inspiration pour les artistes vivants. Pour ces collectionneurs éclairés, il s’agit de replacer l’art contemporain dans une filiation de forme et d’esprit avec les grandes figures de la modernité. On pouvait ainsi croiser à l’ouverture de la Biennale de Lyon, sur ce thème, quelques visages bien connus des marchands. Objet de tous les regards, la création émergente, quant à elle, figure en bonne place dans les galeries supérieures, le salon d’honneur avec une vingtaine de galeries reconnues à l’international, ainsi que dans le Salon Jean Perrin, inauguré l’an dernier. Créé en 2009, le Secteur Lafayette rassemble cette année dix galeries, issues de huit pays, sélectionnées sur la base d’un projet spécifique pour la Fiac présentant un à deux artistes. Le design fait son grand retour avec cinq galeries françaises. Peu, certes. En attendant un développement futur ? Une manière de rappeler que Paris fit figure de précurseur en créant dès 2004 un Secteur design, avant de l’abandonner. Un modèle repris depuis par d’autres avec succès, notamment Art Basel.
Un parcours en plein air
À Bâle, la 8e édition de « Parcours » offrait aux visiteurs de flâner sur les bords du Rhin au fil d’une vingtaine d’œuvres dans le centre historique. Depuis début juillet et jusqu’au 8 octobre, date de clôture de l’édition 2017, la londonienne Frieze présente de son côté, pour la première fois, dans Regent’s Park, vingt-cinq œuvres monumentales. À Paris, depuis 2006, le parcours « Hors les murs » se déploie dans le jardin des Tuileries et autres lieux emblématiques de la capitale. En face du Louvre, dans les allées bordées de platanes et marronniers, ce sont ainsi une trentaine des sculptures qui seront exposées : Ali Cherri, George Condo, Ryan Gander, Thomas Houseago, Claude Viallat ou encore Erik Dietman. À la promenade au milieu des œuvres s’ajoute une dimension architecturale avec des projets installés sur l’esplanade des Feuillants longeant la rue de Rivoli : Jean Prouvé ou Hans Walter Müller. Le Musée national Eugène Delacroix accueillera le travail de l’artiste allemande Katinka Bock. Place Vendôme, l’Américain Oscar Tuazon présentera un projet in situ autour de la question du manque d’eau, sujet environnemental d’actualité s’il en est.
Une tendance à la monumentalisation
Suivant là encore la foire suisse et son secteur « Unlimited » dédié aux très grands formats, la Fiac réitère pour la deuxième année consécutive l’installation d’œuvres « XXL » au Petit Palais et sur l’avenue Winston Churchill, rendue piétonne pour l’occasion. Après une première édition, où le choix de l’emplacement des œuvres laissait parfois à désirer, les organisateurs ont promis cette année une disposition des pièces plus pensée, en relation avec le lieu. Parmi la quarantaine de sculptures et installations de ce secteur organisé en collaboration avec Christophe Leribault, directeur du Petit Palais et Eva Wittocx, du M-Museum de Louvain, seront présentées des œuvres signées Anthony Caro, Johan Creten, Laurent Grasso, Sheila Hicks, Joel Shapiro, Alina Szapocznikow ou encore Erwin Wurm.
Véritable catalyseur d’événements, le rendez-vous d’automne impulse une dynamique forte. Son rayonnement national et international place durant une semaine la scène parisienne sous le feu des projecteurs. Les institutions, mais aussi les maisons de ventes profitent de la venue de collectionneurs du monde entier pour faire coïncider leur programmation et leur calendrier avec ce moment phare de l’actualité artistique. Sans oublier le prix Duchamp, annoncé à l’ouverture de la Fiac. Et le off, qui contribue à la diversité et la richesse des propositions.
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La Fiac ouvre dans un climat optimiste
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°486 du 6 octobre 2017, avec le titre suivant : La Fiac ouvre dans un climat optimiste