Conséquence de la mondialisation du marché, les maisons de ventes ne cessent d’adapter le planning de leurs vacations pour se concentrer autour des foires.
Des foires off, aux vernissages d’expositions et autres événements prestigieux, chaque acteur culturel tente de profiter de l’ambiance de la Fiac pour s’inscrire dans cette semaine célébrant l’art contemporain. Les maisons de ventes, qui ont longtemps ignoré l’événement, ne sont pas en reste. Christie’s, déjà très active l’an dernier, a prévu cet automne quatre vacations : collection Prat, art moderne et vente mixte Avant garde – pour une estimation colossale de 60 à 90 millions d’euros, soit 25 à 35 % de son chiffre d’affaires français de 2016. Sotheby’s, absente l’an dernier, déploie quant à elle trois ventes – nouveau format Modernités, collection Arthur Brandt ou art impressionniste et moderne. Artcurial ou Drouot étant aussi de la partie, jamais les ventes n’avaient été si nombreuses pendant la Fiac.
Le cas n’est pas isolé : partout les maisons de ventes ne cessent de changer leur calendrier pour se greffer aux incontournables célébrations de l’art que sont les foires d’art internationales. Le système permet de profiter de l’afflux de collectionneurs, tout en participant à la mise en valeur d’une place de marché à un instant T. « L’idée est de créer de grands moments communs dans le calendrier international, comme avaient déjà pu le faire Christie’s et Sotheby’s en prévoyant des semaines de ventes communes. Il ne s’agit pas de faire concurrence aux marchands, mais de s’adresser aux collectionneurs sur des sujets qui peuvent être similaires », explique Thomas Seydoux, aujourd’hui art advisor.
C’est Christie’s qui a lancé l’offensive dès 2015 en venant rompre à Paris et New York une routine bien huilée, celle d’un calendrier international qui a égrené pendant des années de grandes saisons de ventes bisannuelles dans les principales places de marché. « Ce rythme du calendrier international avait été créé selon les agendas et les attentes des maisons elles-mêmes », précise Édouard Boccon-Gibod, directeur général de Christie’s France. Ce système permettait le cas échéant de mobiliser l’ensemble des équipes lors de chaque grande vente internationale. Mais l’ouverture et le formidable développement du marché ont changé la donne. Après la segmentation des ventes, due notamment au succès croissant de l’art contemporain, après la diversification des disciplines, du design aux bijoux, après la multiplication des places de marché, de l’Asie au Moyen-Orient, un nouveau cap est franchi. « En s’ouvrant sur la mondialisation, le marché a fait exploser le nombre d’acheteurs qui, des Chinois aux Sud-africains, se retrouvent aux foires de Bâle, Miami ou Maastricht. Cette expansion a conduit les maisons à modifier radicalement leur calendrier », poursuit Édouard Boccon-Gibod.
La mondialisation du calendrier revêt diverses formes. Les ventes sont parfois déplacées d’une ville à l’autre. Christie’s a ainsi annoncé la semaine dernière qu’elle transférait sa traditionnelle vacation d’art du Moyen-Orient, de Dubaï vers Londres pendant Frieze alors même que l’an dernier, l’ensemble des grands auctioneers, y compris Phillips, avait déjà reprogrammé leurs sessions d’art contemporain pour les organiser en même temps que la foire. Difficile de suivre ? C’est que ce calendrier est de plus en plus encombré, mouvant et complexe, engendrant un véritable casse-tête pour les opérateurs. Parfois, ces derniers sont alors contraints de déplacer des vacations qui subissent la concurrence d’événements organisés dans d’autres villes. Christie’s et Sotheby’s ont retardé d’une quinzaine de jours leurs sessions de Londres au printemps dernier, en raison du nouvel an chinois, mais aussi de la succession de Tefaf, de la Biennale de Venise, de la Documenta de Kassel et Athènes, des ventes de New York et d’Art Basel.
Le phénomène est surtout tangible à Paris ; les plannings s’y calquent sur ceux de la Biennale, de la Fiac, de Paris Photo ou de la semaine du dessin, qui captent une part croissante des vacations et du volume d’affaires des maisons de ventes. Les enjeux financiers étant moindres, les calendriers sont plus flexibles et la coïncidence avec de grands événements plus vitale. « Paris est une place moins importante que New York ou Londres, aussi tous les acteurs travaillent de concert à renforcer son attractivité », indique Édouard Boccon-Gibod. Pour orienter l’offre pendant ces semaines encombrées, les stratégies diffèrent. Les foires sont l’occasion de présenter des ventes généralistes sur un segment similaire, avec des succès parfois mitigés (ainsi des échecs pendant Paris Photo, ou de celui de Scène 21 présenté par Artcurial en face de la Fiac il y a quelques années).
Sans surprise, la prime va aux grandes collections judicieusement dispersées en parallèle des grands événements : Alberto Pinto chez Christie’s pendant la dernière Biennale ou Robert de Balkany chez Sotheby’s et Leclere lors de l’édition 2016. Les maisons choisissent aussi des disciplines connexes à celles des foires, permettant d’amener les collectionneurs vers d’autres départements, telle Christie’s et sa première vente mêlant design et photo pendant Frieze. « Nous profitons de l’événement pour innover : nous évitons de lasser notre public et l’amenons plutôt à faire des découvertes. L’idée est de travailler à des rapprochements entre les disciplines », détaille Édouard Boccon-Gibod. Même idée chez Artcurial qui présente depuis trois ans ses ventes de design lors de la Fiac – cette année autour de Charlotte Perriand. Pour Fabien Naudan, vice-président de la maison, « les grands rendez-vous permettent d’éveiller l’attention des collectionneurs, qui sont du coup très sollicités. Aussi, il faut se rendre audible. Durant la Fiac, nous choisissons alors de présenter une offre différente, un exercice de style autour du design. Dans un contexte où l’offre est abondante, la prime va au travail d’editing. »
Cette surabondance d’offres en marge des foires peut-elle se révéler contre-productive ? « La question se posait déjà au sujet des grandes sessions de New York, et les résultats [n.d.l.r. jusqu’au milliard de dollars cumulés en une semaine en 2015] ont montré que ce n’était pas le cas. Ce n’est pas la multiplicité des ventes qui pose problème, c’est plutôt la maturité du marché qui peut pousser les maisons à être moins sélectives en raison de la raréfaction des œuvres », conclut Thomas Seydoux.
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Le calendrier des ventes fait la foire
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°486 du 6 octobre 2017, avec le titre suivant : Le calendrier des ventes fait la foire