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JEUNES GALERIES

Fiac 2017, la création émergente monte au créneau

Par Magali Lesauvage · Le Journal des Arts

Le 5 octobre 2017 - 1374 mots

À l’étage du Grand Palais, la Fiac convie les jeunes galeries dynamiques à présenter leurs découvertes. Un secteur, dit « des galeries supérieures », devenu synonyme de nouveauté.

C’est, aux dires de certains, devenu désormais le secteur le plus attendu de la Fiac. Au Grand Palais, plus d’un emprunte directement les volées d’escalier de marbre pour atteindre les galeries supérieures, promesses de fraîcheur et de surprises. Après quelques années dans la Cour carrée du Louvre, puis en 2014 et 2015 dans une foire annexe, « Officielle », au statut mal lisible et commercialement peu rentable, la soixantaine de galeries dites émergentes (sur un total de 192) sélectionnées cette année se retrouvent donc sur les coursives du Grand Palais, pas vraiment jalouses de leurs pairs du rez-de-chaussée. Outre le secteur général, on y trouve le Salon d’honneur, le secteur Lafayette et le Salon Jean Perrin (lire encadrés), avec chacun des caractéristiques propres.

Dans le secteur Général des galeries supérieures, la Fiac a invité vingt-quatre galeries. Soit un tiers de moins que l’an dernier. Côté international, on note la présence d’Édouard Malingue, basé à Hongkong et Shanghaï, du New-Yorkais David Lewis ou de la Green Art Gallery de Dubaï. Côté français, on retrouve les Parisiens Thomas Bernard (Cortex Athletico), Gaudel de Stampa, Valentin, mor charpentier ou Jérôme Poggi, qui montre un face-à-face entre l’artiste et architecte Yona Friedman, 94 ans, et la Canadienne Larissa Flasser, 42 ans, dont les œuvres graphiques dialoguent avec l’architecture. De fait, la tendance de cette édition de la Fiac semble être moins au solo show, qui présente le danger d’un flop si les collectionneurs boudent un stand trop monolithique, qu’à la confrontation de deux artistes. Laquelle permet de créer des résonances entre artistes de générations différentes et de proposer des gammes de prix variés, sans perdre le visiteur dans un accrochage hétéroclite. Ainsi espaivisor, galerie espagnole de Valence, engage la conversation sur le thème de la figure maternelle entre deux artistes majeures de la performance des années 1970, la Française ORLAN et l’Argentine d’origine polonaise Lea Lublin, décédée en 1999. Emanuel Layr, de Vienne (Autriche), réunit le matiérisme des peintures de l’Autrichienne Lisa Holzer et la rugosité des sculptures de l’Allemande Lena Henke. La galerie bruxelloise Meessen De Clercq promet un duel plein de poésie entre les œuvres graphiques à la fumée et à la suie de l’Italien Claudio Parmiggiani, figure de l’Arte povera, et les lettres sculptées de l’artiste vietnamien Thu-Van Tran.
 

Visibilité et investissement

La galerie Allen a invité le jeune artiste français Maxime Rossi à répondre aux images de Corita Kent, cette religieuse américaine autrice dans les années 1960-1970 de sérigraphies pop. Avec des œuvres mises à prix entre 2 500 à 8 500 euros, un stand dans les étages supérieurs de la Fiac est pour le galeriste australien Joseph Allen Shea, qui a ouvert fin 2013 un espace à Paris, entre la gare du Nord et Pigalle, « l’occasion de s’intégrer plus encore sur la place parisienne, et de poursuivre une démarche de suivi auprès de collectionneurs engagés », qu’ils soient institutionnels ou privés. Et plus généralement « un bon investissement », alors que pour certaines jeunes galeries, la participation à la Fiac est principalement rentable en termes de visibilité.

Pour sa première participation, la galerie parisienne untilthen présente elle aussi les œuvres de deux artistes : les toiles agrémentées de tambourins du Britannique Paul Lee (environ 21 000 euros pièce) et les dessins du Portugais Diogo Pimentão (entre 7 000 et 30 000 euros). Pour la codirectrice de la galerie Mélanie Meffrer Rondeau, la dynamique de la Fiac devrait permettre de faire connaître la nouvelle implantation de la galerie, boulevard Magenta, avec l’ouverture au même moment d’une exposition Douglas Gordon, et ainsi d’« affirmer son engagement dans la ville ».

 

 

Le Salon Jean Perrin
Le Salon Jean Perrin, inauguré l’an passé, accueille une sélection resserrée de sept galeries, là aussi très internationales. Côté français, Imane FareÌ€s présente le travail de photomontages de l’artiste congolais Sammy Baloji, et Semiose propose un solo show de l’artiste américain Steve Gianakos (exposé cet été au Musée des beaux-arts de Dole), avec des dessins et toiles des années 1980 vendues dans une fourchette de 12 000 à 45 000 euros. Nouvelle participante, la galerie tunisienne Selma Feriani, de Carthage, convoque les œuvres de deux artistes originaires du Maghreb ayant actuellement une forte visibilité sur la scène artistique parisienne, avec à cœur, nous confie-t-elle, « de promouvoir des artistes nord-africains et d’ouvrir la galerie à un marché français et international ». D’un côté, les vidéos du Franco-Tunisien Ismaïl Bahri (dont l’exposition « Instruments » s’achève juste au Jeu de paume), vendues entre 5 000 et 15 000 euros ; de l’autre, les dessins de l’Algérien Massinissa Selmani (lauréat du prix SAM, il exposera au Palais de Tokyo en février 2018), proposés à partir de 2 000 euros. Provenant de Budapest, la galerie Kisterem fait quant à elle découvrir le travail d’un peintre hongrois abstrait de 78 ans, István Nádler. De Londres, Richard Saltoun fait honneur à deux artistes femmes de la performance des années 1970 à aujourd’hui, la Portugaise Helena Almeida et l’Allemande Annegret Soltau, dont les autoportraits photographiques au corps contraint se répondent parfaitement.
Magali Lesauvage
 
Le secteur Lafayette
Créé en 2009, le secteur Lafayette réunit cette année dix galeries sélectionnées par un jury à partir de la présentation d’un projet spécifique. Toutes étrangères, elles proviennent de huit pays, dont certains restent encore peu représentés dans les foires d’art contemporain comme l’Égypte, avec Gypsum (Le Caire), la Colombie, avec l’Instituto de Visión (Bogotá), ou le Kosovo, avec LambdaLambdaLambda (Pristina). Pour la plupart, elles présentent des expositions personnelles, dans des médiums très variés. Ainsi le galeriste de Los Angeles, Freedman Fitzpatrick, montre les sculptures et vidéos burlesques de l’Américain Stefan Tcherepnin, tandis que le stand de la galerie joségarcia ,mx de Mexico présente des œuvres de Benoît Maire (démontrant la reconnaissance de l’artiste français à l’international). Chez Experimenter (Calcutta), on peut admirer les grands dessins de l’artiste bangladaise Ayesha Sultana, et chez Queer Thoughts de New York, les étranges poupées de tissu de l’artiste noire américaine Diamond Stingily.
Magali Lesauvage
 
Le Salon d’honneur
Au cœur de cet étage consacré à la prospection, le Salon d’honneur regroupe une vingtaine de galeries « reconnues aÌ€ l’international pour leur capacité aÌ€ découvrir et promouvoir des artistes phares ». Parmi elles, notamment Balice Hertling, dont le stand est exclusivement consacré aux œuvres de Camille Blatrix, auquel la galerie, basée dans le quartier de Belleville, à Paris, consacre également un solo show pour l’inauguration de son nouvel espace rue Saint-Martin, à deux pas du Centre Pompidou. Delmes & Zander, de Cologne, devrait attiser la curiosité avec le projet « Margret-Chronicle of an affair », série de photographies amateur qui documente une relation extraconjugale, et le dévoilement de photomontages du XIXe siècle issus de l’album dit Obsession, œuvre d’un anonyme obsédé par des images d’exécutions de femmes… Tout comme la galerie londonienne Rodeo, avec les vidéos immersives du jeune Gallois James Richards. Basée à Brooklyn et Bruxelles, la galerie CLEARING, qui favorise les échanges transatlantiques, y est présente pour la première fois, tout comme la Mexicaine Labor et la Parisienne Marcelle Alix, présente à la Fiac dès sa première année, en 2010. Pour Isabelle Alfonsi, l’une de ses directrices, l’invitation à intégrer le Salon d’honneur est « un signe de maturité et de reconnaissance ». La galeriste, qui autrefois exposait dans le secteur Lafayette, moins onéreux, reconnaît cependant que les ventes réalisées à la Fiac ne permettent pas de faire des bénéfices, mais assurent une visibilité à long terme, notamment lorsque sont organisés des solo shows – à l’instar de celui de l’artiste Liz Magor en 2015, qui a directement incité des commissaires à l’exposer, notamment cet été au Kunstverein de Hambourg. Cette année, la galerie Marcelle Alix a cependant fait le choix de présenter dans un accrochage collectif les œuvres de quatre artistes (dont celles de Charlotte Moth, nommée au prix Marcel Duchamp), mais dans un espace plus grand et avec des pièces fortes (dont un diptyque à l’encre sur papier de Ian Kiaer à 20 000 euros). Un pari osé dans un marché qu’Isabelle Alfonsi juge « difficile », avec des collectionneurs internationaux refroidis par un contexte politique tendu, lié notamment à l’élection de Donald Trump et au Brexit.
Magali Lesauvage
 

 

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°486 du 6 octobre 2017, avec le titre suivant : Fiac 2017, la création émergente monte au créneau

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