MOSCOU / RUSSIE
Malgré une qualité en dents de scie, la Moscow World Fine Art Fair, la foire des antiquaires de Moscou, a attiré les collectionneurs russes.
MOSCOU - Ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre. Malgré un léger mieux, la Moscow World Fine Art Fair (31 mai-4 juin) n’a guère évolué par rapport à sa précédente édition. Certes, Michel-Guy Chadelaud (Paris) a sorti le grand jeu avec une spectaculaire armoire de François Linke et Léon Messagé (5 millions d’euros). Même si le marchand jouit d’une clientèle à 70 % russe, capable de dépenser à ces hauteurs, ses prix cognaient au regard de la magnifique armoire de Ferdinand Barbedienne en ébène et bronze argenté, proposée pour 3,2 millions d’euros par Aveline (Paris). François Laffanour (Paris) a, quant à lui, tiré les leçons de l’an dernier, en troquant un rationalisme trop soviétique pour un stand coloré et ludique. Un fauteuil de Gaetano Pesce, aussitôt vendu, y était confronté à un étrange triptyque du peintre américain Vincent Desiderio, présenté par Luc Bellier (Paris).
En traquant un supposé « goût russe », la foire confond toutefois éclectisme et hétérogénéité. Le meilleur y côtoie souvent le pire. Si elle a fait une bonne pioche en intégrant la galerie Anna Kournikova (Moscou) et ses tableaux de Pavel Tchelitchew, elle aurait pu s’abstenir devant des enseignes au goût douteux comme Adler (Paris). Après avoir déjà sévi au Pavillon des antiquaires, à Paris, celui-ci a remis sur le tapis les photos de Jonathan Bermudes. On préférait ne pas s’attarder non plus sur les Chiparus de la galerie Jungi (Zurich), lequel profitait de la flambée de la sculpture chryséléphantine en avril à New York. Mais ce fourre-tout est-il vraiment un miroir du goût slave ? « Les galeries savent que les Russes aiment les produits de luxe et ils amènent de l’art comme du produit. C’est là que le bât blesse, observe Mikhail Kamensky, directeur du nouveau bureau de Sotheby’s à Moscou. Les bonnes galeries sont peut-être déçues, car les Russes n’achètent pas à des prix aussi élevés ce qu’ils proposent. Mais à ces tarifs-là, ils préfèrent acheter à l’étranger, sans craindre de perdre leur anonymat. »
Pourtant, si la qualité n’était pas vraiment au rendez-vous, les collectionneurs étaient bien là, après s’être longtemps abrités derrière leurs intermédiaires. Néanmoins, l’art ne se transforme pas aussi rapidement en dollars que le pétrole, comme l’illustre l’installation d’Andrei Molodkin proposée par Orel Art (Paris). L’heure est encore au coup de cœur et au coup par coup. Ce jeu de dés a bénéficié à la sculpture chez Pierre Dumonteil (Paris) et Bob Vallois (Paris), lequel a cédé ses Chana Orloff comme des petits pains. Ratton-Ladrière (Paris) a pour sa part vendu un dessin de Gagnereaux Benigne à un collectionneur russe d’art ancien. En terrain conquis, le Minotaure (Paris) s’est vu réserver un Chagall par un amateur local. Même les galeries contemporaines ont prétendu faire florès. « Certains amateurs ne nous auraient jamais connus si nous n’étions pas venus ici », affirmait Serge Khripun, de la galerie XL (Moscou). Au troisième jour du salon, la galerie se tournait toutefois les pouces…
Quand les transactions ne sont pas finalisées à l’étranger, comme c’est le cas pour les exposants occidentaux, elles s’effectuent avec les clients habituels. Familier de la galerie Regina (Moscou), le collectionneur Igor Markin y a ainsi acquis deux œuvres d’Ivan Chuikov. Certaines galeries en ont même profité pour présenter leurs invendus de la foire d’art contemporain Art Moscow, organisée du 16 au 20 mai. « En Russie, on distingue les choses de deux façons : glamour ou pas glamour, ironise le collectionneur Michael Tsarev. La foire Art Moscow n’est pas glamour alors que la Fine Art Fair l’est. »
« Je préfère le territoire d’une usine au centre bourgeois de Moscou. Dans six mois, au moins dix galeries viendront s’installer ici », nous avait assuré l’an dernier Alexander Yacut, après avoir ouvert sa galerie dans l’usine Arma, dans le quartier de Lefortovo. Celui-ci n’avait pas tort. Sauf que ses confrères Aidan, Guelman et XL ont préféré le site voisin de Winzavod, dans le quartier de Syromjatniki. Ouvert depuis mars à l’occasion de la Biennale d’art contemporain, cet ancien complexe vinicole, réparti sur 20 000 m2, appartient à l’homme d’affaires et collectionneur Roman Trotsenko. Malgré une installation chaotique, au gré des coupures d’eau et d’électricité, les galeries respirent plus que dans leurs anciens espaces étriqués. Bien que toujours en travaux, entre sols éventrés et plafonds irréguliers, ce site industriel est si « tendance » que plusieurs centaines de personnes s’y déplacent le week-end. Reste à voir si les loyers des galeries, pour l’heure avantageux, ne grimperont pas autant que la cote de popularité du quartier. L’effet Soho pointerait-il à l’horizon ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°261 du 8 juin 2007, avec le titre suivant : Glamour moscovite - Eclectisme