Russie

Les deux faces de la foire de Moscou

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 4 juin 2008 - 736 mots

En dépit d’une légère harmonisation, les disparités de niveau sont restées fortes sur la Moscow World Fine Art Fair.

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MOSCOU - Le nettoyage est un exercice d’équilibriste que les salons entreprennent peu aisément, surtout lorsqu’ils s’ancrent dans des pays en transition. Ce constat a été patent lors de la dernière édition de la Moscow World Fine Art Fair, à Moscou (27 mai-2 juin). Par crainte de s’aliéner les forces locales, celui-ci peine encore à évacuer un quota de galeries au goût médiocre. Ainsi a-t-il dû composer avec la galerie Khankhalaev (Moscou), dont les peintures grotesques semblaient incongrues dans un contexte qui se veut haut de gamme, ou avec l’inénarrable galerie Tsereteli (Moscou), du nom du puissant artiste local. De fait, en dépit d’une sensible homogénéisation, les disparités sont restées abyssales entre les exposants. Le visiteur a eu toutefois droit à quelques heureuses surprises comme la galerie Proun (Moscou), dont l’accrochage était dominé par un stupéfiant collage en soie (1913) de Nicolay Kulbin. Autre bonne recrue, la galerie d’art aborigène Lauraine Diggins (North Caulfield, Victoria), laquelle tentait l’aventure russe après avoir vendu des œuvres au propriétaire du groupe Mercury à Moscou. De même, le stand de Popeda Books (Moscou) offrait un vrai bol d’oxygène avec le set d’estampes du duo satirique Slavs and Tatars. On pouvait ainsi lire des inscriptions potaches telles que « Le Fric c’est pas chic dit le Tajik » ou « Nice Tan, Turkménistan ». En revanche, la majorité des galeries d’art contemporain locales ne se sont pas vraiment démenées, offrant pour la plupart des reliquats de leurs expositions de l’année écoulée. Démarche étrangement désinvolte lorsqu’on s’adresse à un public majoritairement russe…

L’efficacité et la bonhomie des organisateurs ne sont pas étrangères à la satisfaction affichée par certains impétrants comme la Galerie du Post-Impressionnisme (Paris). « Les gens viennent volontiers ici, c’est central, chic, surveillé. Les gens riches et connus veulent un maximum de confort, qu’ils trouvent ici », remarquait Ilona Orel (Paris), laquelle a vendu une pièce de Dasha Fursey le premier jour. Car malgré un niveau inégal, la foire de Moscou jouit d’un meilleur kharma que certains salons de plus grande qualité, mais plombés par des querelles intestines.

Les résultats ont été comme toujours en dents de scie, selon les participants. Sans surprise, les Parisiens le Minotaure, Michel-Guy Chadelaud et Schmit, bien introduits dans les réseaux russes, ont tiré leur épingle du jeu. D’autres faisaient la moue. « Au bout de trois ans, on a fait le plein des clients potentiels, observait Natalia Milovzorova, de la galerie Guelman (Moscou). Au début, les galeries d’art contemporain proposaient un vrai choc esthétique par rapport au reste des exposants, mais là elles se sont embourgeoisées. Il est peut-être temps que d’autres galeries prennent le relais. »

Deux nouveaux centres d’art ouvriront en septembre

La compagne du milliardaire Roman Abramovitch, Daria Joukova, ouvrira en septembre un centre d’art contemporain dans le quartier de Novoslobodskaya, dans un ancien garage de bus classé construit dans les années 1920 par l’architecte Konstantin Melnikov. « Daria loue le lieu à la communauté juive. Pour l’instant, il y a un accord pour deux ans seulement ; si ça marche, ce sera prolongé, indique Olga Slibova, directrice de la Maison de la photographie de Moscou. C’est très loin du métro, mais dans deux ans, un métro sera construit à côté. Abramovitch a dit qu’il allait fournir des navettes, car s’il faut marcher plus de dix minutes [à la sortie] du métro, le centre perdra des visiteurs. » L’espace ouvrira avec une exposition dédiée à Ilya et Emilia Kabakov. D’après Olga Slibova, il pourrait accueillir par la suite un aperçu de la collection de François Pinault. « Pour l’instant, Daria n’a pas de stratégie très claire, elle a trop de conseillers. Mais elle va dans la bonne direction », poursuit celle-ci.

Un autre centre d’art, d’une surface de 2 500 m2, baptisé « Octobre Rouge », devrait aussi voir le jour le même mois dans une usine située au centre de Moscou, sous la houlette de la jeune curatrice et collectionneuse Maria Baibakova. Pour l’instant, le centre d’art dispose de la jouissance du site seulement pour une durée d’un an. « Mon propos sera de faire venir l’art de l’étranger pour familiariser le public russe, explique Maria Baibakova. Je veux expressément éviter la dialectique "Occidental" versus "Russe". Je pense en termes globaux et je suis intéressée par les scènes indienne et africaine. »

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°283 du 6 juin 2008, avec le titre suivant : Les deux faces de la foire de Moscou

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