Georges Valmier, moderne et coloré

Paris. La Galerie Zlotowski a choisi de mettre en lumière Georges Valmier (1885-1937), un artiste qu’elle a montré en 2006 dans son espace et qu’elle présente régulièrement à la foire Tefaf à Maastricht ou au Salon du dessin à Paris. À l’heure où toutes les foires sont annulées pour cause de crise sanitaire, Michel et Yves Zlotowski voulaient animer leur galerie. « Nous avons hésité avec Le Corbusier, mais nous nous sommes dit que cela faisait longtemps que nous n’avions pas fait d’exposition sur Valmier – nous sommes très liés à la famille, explique Yves Zlotowski. Par ailleurs, c’est un artiste qui est très peu exposé et c’est plus original que Le Corbusier. Enfin, nous avons pensé que c’était le bon moment pour le montrer en cette période morose, il apporte un peu de gaieté car c’est un artiste très joyeux, très coloré, très lumineux. »

L’exposition, qui comprend une trentaine d’œuvres, est divisée en quatre sections : au rez-de-chaussée est présentée la période emblématique de son œuvre, quand il en développe la partie la plus personnelle et inventive, au cours des années 1920, après sa rencontre avec Albert Gleizes. S’il débute par un cubisme très proche de Georges Braque et Pablo Picasso avec des formes géométriques, presque abstraites, comme dans Composition cubiste, une tempera sur panneau de 1921, sa peinture va évoluer à la suite de sa rencontre avec le marchand Léonce Rosenberg, qui le prend sous contrat. C’est probablement sous son influence que Valmier s’oriente vers un cubisme un peu plus figuratif, comme dans Paysage, une huile de 1920 (240 000 €), et dans toutes ses gouaches de la période (35 000 à 40 000 €), bien plus nombreuses que ses huiles dont 300 environ sont recensées. « C’est sans doute Rosenberg qui lui demande de réaliser des gouaches, qui se vendent plus facilement que les huiles. Ses gouaches, qui sont normalement des esquisses pour les tableaux, sont très minutieuses et deviennent des œuvres en soi », commente le galeriste. Dans des gouaches telles La Leçon de piano (1922), Les Bœufs dans la montagne (1927, voir ill.), Le Bal Musette (1927) ou les natures mortes, le jeu sur la couleur est extrêmement précis, et la construction, souvent similaire : une couleur un peu plus vive au centre du motif, fonctionnant comme un appel, une peinture très lumineuse – des verts et des oranges très particuliers. Pour ses travaux préparatoires, il a également fait un grand usage des papiers collés, toujours dans le but d’expérimenter la couleur.

La visite se poursuit au sous-sol où se trouvent les œuvres des années 1930, totalement abstraites – en 1932, Valmier fait partie du mouvement Abstraction-Création. « L’abstraction était déjà en germe dans son cubisme et elle lui permet, là, d’explorer la couleur librement, de ne plus être contraint par la représentation », analyse Yves Zlotowski. Dans cette veine, on découvre notamment plusieurs œuvres de 1932 dont l’huile Formes dans l’espace (160 000 €) ou la gouache Main à la bouteille (1931).

Le parcours s’achève sur les débuts de Valmier, avant la guerre. Un temps impressionniste – on peut admirer un bel autoportrait (1909) et Les Toits (1908), prêtés par la famille de l’artiste –, Valmier voit les œuvres de Paul Cézanne au Salon d’automne de 1907 et c’est un choc. Il développe alors un cubisme un peu cézannien, comme dans la Nature morte aux jouets (à la marionnette de gendarme) [1911-1912] et l’Autoportrait au chapeau (1913), avec déjà l’idée d’un point lumineux au centre. « Il y a un côté mystique chez Valmier », observe le galeriste. La dernière section de l’exposition est consacrée aux arts décoratifs, auxquels Valmier s’est adonné dès 1920, pour la réalisation de tapis, de papiers peints, ou encore les couvertures des bulletins de L’Effort moderne, la galerie de Léonce Rosenberg ; il a également décoré la salle à manger du marchand. Et confectionné un sac à main en perles (1930) qu’il a offert à sa fille pour ses 18 ans, que l’on découvre accompagné de deux dessins préparatoires (80 000 €).

En 1936, Valmier participe aux fresques de la salle du cinéma du palais des Chemins de fer pour l’Exposition universelle de 1937, sous la direction de Robert Delaunay. Il n’en verra malheureusement pas l’achèvement, brutalement emporté par une crise cardiaque.