Design - Disparition

Gaetano Pesce, une probable hausse du marché

Par Marie Potard · L'ŒIL

Le 25 juin 2024 - 827 mots

Le maître du design radical s’en est allé le 3 avril dernier. Si les prix de ses créations étaient déjà conséquents, sa disparition va sans doute accentuer le phénomène.

Figure inclassable, le créateur italien Gaetano Pesce (1939-2024) a occupé une place majeure dans le monde du design, avec des créations poétiques et colorées, plus artistiques que fonctionnelles, dont la forme était à la fois expressive et excentrique. Architecte de formation – il était diplômé en architecture à l’université de Venise –, Gaetano Pesce était à la fois designer, artiste, architecte, peintre, sculpteur, scénographe, styliste, mais il refusait pour autant d’être enfermé dans une catégorie en particulier. Sa carrière a décollé dans les années 1960 et, « rapidement, il est reconnu pour son approche radicale, organique et biomorphique du design, qui incorpore des formes irrégulières, non géométriques et des matériaux non conventionnels. Son travail effaçait souvent la frontière entre l’art et le design fonctionnel », souligne le galeriste François Laffanour. Rejetant la perfection industrielle du modernisme, il a été l’un des premiers designers à comprendre que le consommateur, lassé par la profusion d’objets en série, cherchait des productions personnalisées. Aussi, il n’a eu de cesse de contester l’uniformisation de l’objet, s’opposant au concept de standard et lui préférant celui de « série différenciée ». C’est ainsi qu’il a fait intervenir l’aléatoire dans le processus de production en série, créant ainsi des pièces à la fois semblables et différentes. « Pour moi, la diversité, c’est la démocratie », disait-il.

Designer militant

Connu pour sa nature anticonformiste et expérimentale, il était tourné vers l’innovation et concentrait ses recherches sur les matériaux, les technologies et les processus de fabrication, tant des meubles que des objets de la vie quotidienne. Il a notamment été le premier à utiliser la résine pour créer du mobilier, qui est devenue son matériau de prédilection. Attachant une grande importance au symbolique, le travail du créateur italien a souvent été militant. « Les objets m’intéressent quand ils sont porteurs de messages », disait-il. Aussi, n’hésitait-il pas à mettre le design au service des causes qu’il souhaitait défendre, comme la condition féminine – avec le fauteuil Up 5 dit « Donna », créé en 1969 –, la protection de la planète ou la place de la religion. Dans cette veine, il a créé la série de chaises Golgotha (1972) ou encore la lampe Tchador (2000).

12 390 €

1. Résine  - En 2001, Gaetano Pesce collabore avec l’éditeur Zerodisegno pour réaliser la collection de meubles en résine (buffets, étagères, chaises, fauteuils et tables) qu’il nomme Nobody’s Perfect (« personne n’est parfait ») conférant à l’imperfection une nouvelle valeur esthétique. L’artisan mixe couleurs et résine, coule la pâte obtenue dans le moule, et, à l’aide d’une spatule, uniformise l’épaisseur de la résine, créant ainsi une forme qui n’est jamais tout à fait la même. Le résultat ? Des silhouettes anthropomorphes, plus ou moins transparentes selon la coloration.

 

Sotheby’s New York,

vendue le 12/12/2019.

Plus de 50 000 € 

2. Fauteuil -  Ce modèle Senza Fine (« sans fin » en italien), fait d’une accumulation sans début ni fin de spaghettis en silicone, est emblématique de l’approche avant-gardiste du designer italien et de son désir de repousser les limites du design traditionnel. Véritable œuvre d’art qui transcende les frontières entre mobilier et sculpture, ce siège, avec ses formes organiques, sinueuses et fluides, est fabriqué en résine de polyuréthane, lui donnant une assise confortable. Gaetano Pesce a conçu le Senza Fine comme une célébration de l’imperfection. Cet exemplaire fait partie de la première série réalisée directement sous la direction du créateur, ce qui en fait un exemplaire particulièrement rare et recherché.

 

Galerie Gastou,

Paris.

22 762 €

3. Canapé -  C’est un hommage à New York, la ville d’adoption du créateur depuis le début des années 1980 – ville qui l’a toujours fasciné et où il s’est éteint – et, en même temps, un avertissement (reconsidéré plus tard par Pesce) sur son déclin imminent (tramonto signifie « coucher de soleil » en italien). « Quand je suis arrivé à New York pour la première fois, j’ai trouvé la ville pleine d’énergie. Mais lors d’une visite ultérieure, j’ai senti que sa vitalité était moins forte. Je pensais que son absence était le signe de la décadence de cette ville. Quelque temps plus tard, j’ai vu que l’énergie était de retour et que New York était toujours la capitale du XXe siècle. Quoi qu’il en soit, j’ai voulu marquer cette impression avec un objet. »

 

Phillips, New York,

vendu le 15/12/2015

Entre 40 000 et 60 000 €

4. Table -  Gaetano Pesce imagine cette table en 1980 pour la maison Cassina. Les couleurs originales de l’œuvre sont le rouge, le blanc et le vert, clin d’œil aux couleurs nationales de son pays. Bien que le meuble ait été produit en plusieurs exemplaires, Pesce s’est amusé à trouver des moyens de compliquer la chaîne de production : découpe des bords, peintures non linéaires qui font qu’aucune table n’est identique. La production de ce meuble s’étant arrêtée en 1988, il est rare d’en trouver sur le marché.

 

Galerie Downtown,

Paris.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°777 du 1 juillet 2024, avec le titre suivant : Gaetano Pesce, une probable hausse du marché

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