PARIS - Le 10 mai 2012, le tribunal de grande instance (TGI) de Paris a débouté l’ancien président du Conseil des ventes volontaires (CVV), Christian Giacomotto, de sa demande d’annulation d’une vente intervenue le 25 juin 2009.
À cette date, l’homme d’affaires est encore à la tête du CVV. Il est aussi président de l’Association pour le rayonnement du Musée national du Moyen Âge et collectionneur d’œuvres de cette époque. Il sollicite la maison de ventes Artcurial pour l’acquisition en after sale d’un pleurant en marbre du XVe siècle. Estimé 40 000 à 60 000 euros, la statue annoncée comme provenant de l’ancienne collection Lucienne et Antoine Perpitch n’avait pas trouvé preneur lors de la vente aux enchères du 23 juin 2009 à l’hôtel Dassault, assistée de l’expert parisien Michel Rullier. Ayant obtenu par Artcurial l’accord du vendeur (l’antiquaire Marc Perpitch, spécialiste en Haute Époque), M. Giacomotto se porte acquéreur de gré à gré de l’objet pour la somme convenue de 40 000 euros, augmentée de frais de vente s’élevant à 10 106,20 euros, et payée par chèque daté du 25 juin. Or ce même jour, « M. Giacomotto a écrit à la société Artcurial pour lui indiquer que la statue serait un faux du XIXe siècle et a demandé la résolution de la vente », note le jugement du TGI.
Précisant que, « quoique maintenant sa position sur l’origine de l’œuvre, la société Artcurial a répondu qu’elle était autorisée à annuler la vente ». L’acquéreur fait alors part à Artcurial de sa volonté de conserver la statue pour autant qu’elle soit authentique. Une réunion se tient le 8 juillet où les experts présents ne s’accordent pas sur la datation de l’objet. À l’issue de cette réunion, Artcurial réitère à M. Giacomotto sa proposition de remboursement, contre restitution de la statue. Mais ce dernier souhaite poursuivre les vérifications et consulte à titre privé l’expert Laurence Fligny. Convaincu que la sculpture remonte au XIXe siècle et non pas au XVe siècle comme indiqué au catalogue de vente, il saisit la justice pour annuler la vente au motif d’une « erreur sur les qualités substantielles de la chose », souhaitant condamner in solidum la maison de ventes, l’expert et le vendeur. Un rapport d’expertise judiciaire est déposé le 13 mai 2010. Mais le tribunal constate qu’il n’est « nullement probant quant au défaut d’authenticité de l’œuvre litigieuse » et qu’il « ne résulte pas clairement de l’expertise que la statue litigieuse serait du XIXe siècle et non du XVe siècle ». En effet, l’expert indique seulement dans sa conclusion que « beaucoup d’objections s’opposent à une datation au XVe siècle. En revanche, un tel objet «s’explique» beaucoup plus aisément au XIXe ou au début du XXe siècle ». Il ajoute, dédouanant au passage l’expert de la vente, que « sans affirmer que la statuette a été créée comme un faux destiné à tromper, on notera que son aspect accidenté peut avoir, en l’absence d’étude approfondie de l’œuvre, abusé des connaisseurs ». Le TGI conclut qu’« il ressort de ce rapport une probabilité que la statue serait plutôt du XIXe siècle mais non une certitude » et que « la non-authenticité de la statue n’est donc pas formellement établie ».
Le TGI a débouté l’acheteur de la statue de toutes ses demandes, relevant que non seulement M. Giacomotto n’apporte pas la preuve qu’il avait acheté cet objet « dans la conviction erronée que l’œuvre était authentique », et « qu’au contraire, il en résulte des pièces qu’il produit que, dès le début, il avait un doute et que malgré ce doute, il a contracté ».
Il n’aura pas échappé au tribunal que la facture d’achat est datée du 25 juin 2009 : « le même jour il en acquitte le prix tout en contestant son authenticité » ! Compte tenu de l’expérience de Christian Giacomotto dans le domaine de la Haute Époque, « il serait dès lors d’autant plus surprenant que le demandeur ait pu se laisser abuser », peut-on lire dans le jugement qui souligne que, dès le lendemain de la vente, Artcurial avait proposé à l’acheteur le remboursement intégral de la statue, et que « M. Giacomotto ne donne aucune explication convaincante sur les motifs qui l’ont conduit à refuser cette transaction et à engager la présente procédure ». Malgré un jugement très dur à son encontre, l’intéressé a interjeté appel.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
En toute connaissance on ne peut annuler la vente d’un objet dont on sait préalablement qu’il est litigieux
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Christian Giacomotto. Photo D.R.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°373 du 6 juillet 2012, avec le titre suivant : En toute connaissance on ne peut annuler la vente d’un objet dont on sait préalablement qu’il est litigieux