BALE (SUISSE) [13.06.09] – Gault & Millault le fait pour les restaurants (sur 20), la plupart des journaux le font pour les films (sur 5), et Robert Parker, célèbre œnologue américain, le fait pour les vins français (sur 100)... alors pourquoi pas noter les foires ?
Voilà l'idée pour notre dernière journée à Bâle, consacrée aux foires satellites. A pas de charge, ou plutôt de tram, elle fut rondement menée, de façon forcément subjective.
Nous avons retenu 8 critères, dont sept notés sur 10 : emplacement, lieu, look (présentation), buzz (ambiance), café, catalogue, accueil. Le huitième critère – le contenu – étant le plus important, donc noté sur 30, nous arrivons à un total sur 100. Le but ? Vous permettre, si vous passez par Bâle ce weekend (avant que tout ne ferme dimanche soir), de savoir par où commencer...
Les Foires
Il s'agit d'abord de trois foires "classiques" aux nombreux participants : Liste (64 galeries), Scope (83 galeries), Volta (110 galeries). Ensuite, de trois événements plus intimes, à thème : Focus (artistes africains) ; Solo Project (60 expos personnelles organisées par 33 galeries) ; et Selection (8 galeries dans une ambiance "lounge"). A titre de comparaison, nous avons également noté (hors concours) Design MiamiBasel, bien que ce salon soit quasi-officiel et ne concerne pas l'art contemporain. La Bridge Fair, annoncé, n'a pas eu lieu.
EMPLACEMENT
Finies, les excursions vers les lointaines friches industrielles du nord de la ville, où certaines foires avaient trouvé refuge quasiment à la frontière française. Désormais, tout est (à peu près) central. Evidemment, plus on est près de la Messeplatz et Art Basel lui-même, mieux c'est ; Design MiamiBasel a décroché le gros lot en se voyant offrir enfin une halle sur place – libérant ainsi la Markthalle près de la gare, que Volta s'est empressé de récupérer. Malgré des recours de dernière minute, de résidents confondant amateurs d'art avec de vulgaires hooligans, Scope squatte un terrain de foot à portée de dégagement du Messeplatz.
Pour nous situer : au lieu de l'axe sud-nord, de la gare jusqu'au Messeplatz par notre cher tramway n°2, nous retrouvons un losange, avec une extrémité à l'ouest (Focus, tram n°1) comme à l'est (Solo, tram n° 14). A part Volta, dont la Markthalle se trouve à 200m de la gare, toutes les autres foires sont à quelques minutes à pied du Messeplatz. La plupart sont desservies aussi par des minibus, qui se trouvent (cachés mais fléchés) à droite de l'entrée principale (gros horloge) d'Art Basel.
Les endroits où se déroulent les foires sont fonctionnels et sans âme, pour la plupart, que ce soit en dur ou sous chapiteau (Scope)…. Avec sa coupelle en béton armée – l'un des plus gros dômes d'Europe – la Markthalle, occupée par Volta (à ne pas confondre avec la Voltahalle, occupée par Focus), mérite une visite à elle toute seule, d'autant que le bâtiment, resté dans son jus, devrait fermer prochainement "pour restauration." L'ex-brasserie Warteck, investie par Liste, vaut elle aussi le détour, avec ses vitraux et ses carreaux en faïence (hélas à moitié cachés par les stands) ; ses rampes d'escalier Art Déco ; et le petit café tout en haut de sa tour, offrant le meilleur panorama de la ville. Mais, côté pratique, avec son dédale de couloirs, de petites salles et d'escaliers étroits, rarement un lieu ne fut aussi peu adapté aux besoins d'une foire.
LOOK
Au niveau de la présentation, rien ne vaut Design MiamaBasel (pas même Art Basel). Aucun effort au niveau de l'éclairage, ni chez Liste (néons d'origine), ni chez Focus, qui se contente des énormes fenêtres de la façade de la Voltahalle. Ailleurs, l'éclairage se vaut; les allées sont un peu plus large chez Volta que chez Scope, mais il y une vraie identité visuelle chez ce dernier – ce qu'on résumerait par le terme anglais de wall-power : toutes ces œuvres fortes, colorées, souvent de taille imposante, reflètent la griffe des organisateurs, qui surveillent de près l'accrochage. Selection, avec son épaisse moquette grise, a un côté cossu et intime. Chez Solo, le parcours labyrinthique et obligatoire n'est pas pour les claustrophobes : vous rentrez d'un côté et, sauf à revenir sur vos pas, vous ressortez de l'autre, 33 stands plus loin.
BUZZ
Est-ce que ça bouge? Pas au Design, dans son silence de cathédrale, ni chez Focus, où je suis le seul visiteur. Ni chez Solo, ni chez Selection, où l'ambiance se veut calme et contemplative. Mais oui, chez Scope, et oui, encore plus, chez Volta, aidé par le plan de la Markthalle avec son allée périphérique, autour de sa place centrale. Chez Liste, avec sa pléthore de cafés (voir ci-dessous) et l'anarchie du lieu, l'effervescence est permanente… quoique plus sociale que commerciale.
CAFE
Lieu de passage obligé – pour discuter, se rafraîchir, ou tout simplement s'asseoir (les chaises étant les grandes absentes des foires). Comme il se doit dans une ancienne brasserie, Liste est imbattable, avec sa buvette, son barbecue et son ambiance enfumée, dès la cour d'entrée ; son restaurant, avec sa grande terrasse pentue, au 2e étage ; son comptoir à bières, au balcon du 3e ; puis encore, 108 marches plus loin, son fameux bar perché en haut du phare. Scope, ayant récupéré la buvette du club de foot, alignent ses tables au bord du terrain (heureusement qu'il ne pleut pas, car le bar à l'intérieur est minuscule.) Selection se distingue par son offre insolite de vins sud-africains. Volta, pour une fois, passe à côté – son petit bar étant à 30 mètres des tables et des chaises.
CATALOGUE
Les foires passent, les catalogues restent… Les trois grandes font chacune un joli effort, mieux que Design MiamiBasel et sa publication tristounette en jaune et gris (et mieux qu'Art Basel lui-même, avec sa grosse tome ennuyeuse). La bonne surprise vient de Solo : un catalogue de référence, magnifiquement illustré, présentant les 60 artistes exposés. Chez Focus, rien : on me propose de m'imprimer quelque chose à partir de l'ordinateur, mais celui-ci est en panne.
ACCUEIL
L'accueil le plus pro (et le moins encombré), c'est chez Design ; le plus brusque, chez Volta ("tout le monde doit payer, même les journalistes !") ; le plus enthousiaste, chez Scope – la seule foire à me proposer spontanément une visite guidée individuelle.
CONTENU
Bien que difficile à trouver, dans un blockhaus culturel près du grand stade du F.C. Basel, Solo est une révélation : des expos personnelles soignées, intelligentes, composées d'œuvres récentes. Mention spéciale pour Lukas Feichtner (Vienne), qui présente Walter Weer (sculptures en corde, filet et papier, à partir de 4.000 €), et Stephan Reuss (mur animé d'une joyeuse silhouette se tortillant, créée au laser), qui se trouve lui-même sur le stand.
Scope en impose, et ses sections consacrées à l'Art d'Asie et aux galeries berlinoises lui apportent une cohérence visuelle. Il y aussi un certain exotisme – de Damas (Ayyam Gallery) jusqu'à Riga (Gallery Bastejs, avec les œuvres hyper-réalistes de Ritums Ivanovs), en passant par Istanbul (PI Artworks).
Volta dispose aussi de galeries de qualité, tel Barbarian avec des dessins (de sous-marin bien sûr) par la vedette du Grand Canal, notre ami Alexander Ponomaryov (11.000 € pièce). Mais la pièce phare de la foire – octroyée une espace à part près de l'entrée – vient du Lituanien Zilvinas Kempinas, dont l'immense tube en ruban magnétique (180.000 € chez sa galériste new-yorkais Spencer Brownstone) retenait l’attention de Jacques Toubon à Venise la semaine dernière. Ici, il s'agit de deux cercles de ruban magnétiques "dansant" dans le vide, sous l'effet d'un petit ventilateur (45.000 €). Gracieux et hypnotisant.
Liste se décrit comme The Young Art Fair, d'où un certain fouillis, où le bon côtoie le franchement mauvais. C'est la foire la plus intense, la plus sérieuse, la moins colorée.
Selection semble sous l'emprise d'un axe sino-russe, avec les parodies maoïsantes d'Hillary Huang (chez Avanthay) et la présence inattendue de la galerie Oboima (se définissant plutôt comme un "projet") d'Ekaterinbourg, au fin fond de l'Oural. Rajoutons Dmitri Semenov de St-Petersbourg, Your Favourites de Kiev, et une installation à base de coussins, de fleurs et de drapeaux, du Russe Anton Kalgayev, et le tour à l'est est presque joué.
Chez Focus, une poignée d'artistes seulement, dont deux très bonnes Sénégalaises : Dié Fall Kane, avec ses collages évoquant la Migration Clandestine ; et les tableaux abstraits, pleins de poésie, composés uniquement de fils colorés, d'Aïcha Aïdara, bizarrement exposés sur des banquettes noires.
AND THE WINNER IS
Variée, vivante, à cinq minutes du Messeplatz : Scope s'impose en tête de notre classement (76/100). Dauphin inattendu : Solo (68/100) – concept intelligent, œuvres variées et de qualité, galeristes (et parfois leurs artistes) prêts, voir avides, à discuter avec les rares visiteurs.
Un regret : le manque de synergie et de coordination entre tous ces événements. Aucune brochure ne les présente tous. Je suis ainsi passé à côté de la foire Hot Art, que je suppose une réincarnation de l'ex-Balelatîna. Désolé, c'est pas cool… encore qu'il ne s'agissait ici que des Artclair Awards, et non des Hot d'Or !
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