Galerie

ART CONTEMPORAIN

Ed Ruscha, un classique américain

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 14 décembre 2022 - 555 mots

PARIS

Cette première exposition de peintures de l’artiste dans les espaces parisiens de la galerie Gagosian montre une série récente, « Tom Sawyer Paintings », inspirée par le célèbre roman de Mark Twain.

Paris. Les occasions ont été rares en France ces quinze dernières années de voir des peintures d’Ed Ruscha (né en 1937). Celles que présente actuellement la galerie Gagosian (qui, en 2015, avait exposé des sérigraphies) sont montrées pour la première fois à Paris. Un événement donc, et qui surprend aussi parce que ces tableaux ne ressemblent pas à ce que l’on s’attend à retrouver du langage visuel de l’artiste américain, connu notamment pour ses jeux sur le texte. L’accrochage prend en compte cet étonnement en faisant précéder cette nouvelle série de deux toiles sur lin brut déclinant les mots de leurs titres Metro Petro Neuro Psycho (2022) et Tilted Metro Petro (2022), ainsi que d’un hologramme, sur le même principe. Moins éclairée, cette première salle sert de préambule à la seconde, qui cependant ne révèle d’abord en perspective que Guardrail (2021), large toile horizontale reproduisant à la façon d’une sculpture minimaliste une rambarde d’autoroute, bordée sur sa gauche d’une traînée de sfumato suggérant une présence, ou un mouvement. C’est ensuite seulement que l’on découvre les sept toiles de la série « Tom Sawyer Paintings », non sans une certaine théâtralité et, semble-t-il, avec ce Guardrail, une légère distance ironique.

Nouveau matériau

Ed Ruscha a choisi de peindre des lattes en bois, selon un protocole sériel qui lui est coutumier, tout comme l’apparente banalité du sujet. A priori la tâche est fastidieuse ; le titre de la série renvoie d’ailleurs à une scène du roman de Mark Twain où le héros, pour ne pas passer sa journée à repeindre une clôture, persuade ses amis d’accomplir cette corvée à sa place (c’est la seule référence textuelle dans cet ensemble dont les mots sont absents). Nul ne pourrait se douter que ces tableaux sont signés par Ed Ruscha, figure majeure de l’art contemporain américain, s’il les voyait dans un autre contexte. Impossible toutefois de dissocier leur auteur de ces toiles, car c’est d’un morceau de la culture étasunienne qu’elles parlent, et Ed Ruscha en fait lui-même partie. Cet ensemble, aussi trivial soit son thème, captive le regard, car chacun des tableaux, de dimensions modestes, est différent des autres.

Si l’on fait le tour de la galerie dans le sens – le plus probable – des aiguilles d’une montre, le premier représente ainsi des lattes à l’horizontale, dont l’une est brisée. Une béance noire apparaît, de même que l’effilochement du bois, comme une entorse à l’agencement géométrique, et presque, un début de narration. Dans les tableaux qui suivent, on distingue ici un écrou métallique, là un clou tordu ou l’encre d’un tampon. On s’attarde sur les nœuds et les veines des planches, détails qui ajoutent à l’effet de trompe-l’œil et surprennent par leur caractère charnel. On remarque également les nuances chromatiques, des beiges et des gris bleutés, mais aussi la disposition des lattes – alignées, à la verticale, en croix – qui change d’une composition à l’autre. Variation sur le même motif, cet exercice de peinture est avant tout une affaire de lumières, de couleurs, comme cet aplat bleu nuit dans la dernière toile qui happe le regard entre deux pans de jaune. Prix sur demande (autour de 800 000 euros).

Ed Ruscha, Tom Sawyer Paintings,
jusqu’au 22 décembre, galerie Gagosian, 4, rue de Ponthieu, 75008 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°600 du 2 décembre 2022, avec le titre suivant : Ed Ruscha, un classique américain

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