PARIS [06.07.17] - Prise en application de la loi du 7 juillet 2016, l’ordonnance présentée hier en conseil des ministres réforme de nombreuses dispositions relatives à la circulation des biens et notamment les cas d’irrecevabilité des demandes de certificats d’exportation.
Le calendrier était serré. L’habilitation donnée au gouvernement de prendre par voie d’ordonnance les mesures autorisées prenait fin au 7 juillet 2017, soit un an après l’adoption de la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine. L’ensemble des nouvelles dispositions envisagées devraient entrer en vigueur au plus tard au 1er janvier 2018.
Parmi celles-ci, l’attention des rédacteurs s’est essentiellement portée sur les conséquences attachées aux demandes de certificats d’exportation de biens culturels, avec en toile de fond la préoccupation contemporaine de lutte contre le trafic illicite.
La suspension de la procédure d’instruction
Ainsi, un nouvel article sera inséré au sein du Code du patrimoine, prévoyant que l’instruction d’une demande de certificat pourra être suspendue dès lors qu’il existe des « présomptions graves et concordantes que le bien appartient au domaine public, a été illicitement importé, constitue une contrefaçon ou provient d’un autre crime ou délit ». Le futur article L. 111-3-1 imposera alors à l’autorité administrative d’informer le demandeur à la procédure, par une décision motivée, d’une telle suspension et de le solliciter en vue d’obtenir tous justificatifs permettant de renverser les présomptions de l’autorité.
La rédaction du texte et son champ d’application, tous deux particulièrement larges, feront assurément l’objet de nombreux contentieux. L’origine du bien culturel revêt désormais une importance capitale. Importé illicitement, possédé au terme d’un vol ou d’un recel, le bien culturel ne pourra plus circuler aussi aisément qu’auparavant. Quant à la qualification de contrefaçon, juridiquement distincte de celle de faux, celle-ci devrait sans doute imposer ou en tout état de cause faciliter l’intervention de l’auteur ou de ses ayants droit. À défaut de preuve suffisante, la délivrance du certificat sera par principe refusée.
L’ordonnance crée également de nouvelles obligations destinées à améliorer le suivi des trésors nationaux faisant l’objet d’une décision de refus du certificat d’exportation pendant la durée d’effet de cette mesure, soit 30 mois, dans le souci de veiller à leur bonne conservation. Ici encore, la traçabilité du bien culturel est mieux encadrée. Tout changement de lieu doit être notifié à l’autorité administrative et aucune modification ou restauration du bien ne peut être réalisée sans son aval. De même, lorsque le refus porte sur un fonds d’archives ou une collection, les biens les composant ne peuvent être aliénés par lot ou par pièce pendant la durée d’effet du refus. Dans la continuité des précédentes réformes, une attention particulière est portée aux universalités de fait que constituent les fonds et collections afin de maintenir leur cohérence et leur intégrité.
L’harmonisation du droit de préemption
Dans un souci d’harmonisation, les modalités d’exercice du droit de préemption sont révisées à droit constant, n’emportant ainsi aucun changement majeur. Les termes d’œuvres d’art, aujourd’hui visés à l’article L. 123-1, sont remplacés par ceux plus larges de biens culturels. Si une adaptation du délai minimal de quinze jours pour prévenir l’autorité administrative a été consacrée au profit des officiers publics ou ministériels, ainsi qu’un élargissement des personnes pour le compte desquelles l’État peut agir, ce sont là les seules innovations. Les seules modalités de vente concernées demeurent la vente aux enchères publiques, volontaire ou judiciaire, et la vente de gré à gré dite after sale. Les ventes de gré à gré indépendantes ne sont toujours pas concernées ; de même pour celles réalisées sur les plateformes de courtage par voie électronique telles que eBay.
Enfin, l’ordonnance vient unifier le régime d’action en revendication des biens culturels appartenant au domaine public, sur le modèle du droit applicable aux archives. Le ministère de la Culture aura alors la possibilité d’agir directement en justice et de se substituer à un propriétaire public défaillant. En parallèle, l’ordonnance semble faciliter la mise en œuvre de l’action en garantie d’éviction pour le détenteur évincé de bonne foi à l’encontre de son vendeur. Une façon de rassurer le marché et ses acteurs face aux revendications. Un élargissement des possibilités de transfert de propriété à titre gratuit de biens culturels entre personnes publiques est également consacré.
Mais la véritable évolution attendue par le marché n’a pas eu lieu. L’ordonnance devait tenter, initialement, de permettre la révision des seuils (*) – date et valeur pécuniaire – conditionnant l’obligation de demande d’autorisation d’exportation. Mais cette question s’étant révélée hors du champ de l’habilitation du gouvernement a été finalement évacuée.
(*) Contrairement à ce que nous avons pu indiquer, la révision des seuils attachés aux demandes d'autorisation d'exportation ne pouvait pas être traitée dans le cadre de l'habilitation de la LCAP car ceux-ci sont définis par un texte qui n'est pas de niveau législatif.
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Des nouvelles règles concernant les certificats d’exportation
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