Convergences et divergences

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 9 avril 2008 - 537 mots

Jamais autant d’organismes n’auront cogité en ordre dispersé sur le marché de l’art.

Tandis que le ministre de la Culture a confié en octobre 2007 à Martin Bethenod le soin de rédiger un rapport (lire p. 3), les sénateurs Philippe Marini et Yann Gaillard ont planché sur une proposition de loi. De son côté, le Conseil économique et social (CES) avait été saisi par le gouvernement de Dominique de Villepin pour émettre un avis sur le développement des enchères en France, sous la houlette du rapporteur Pierre Simon. Ce branle-bas de combat traduit une urgence. La progression des ventes en France a été de 13 % en 2006 contre 36 % pour la Chine, qui lui dispute désormais la troisième place. L’Hexagone ne détient que 6 % de parts de marché mondial, contre 50 % pour les États-Unis et 25 % pour la Grande-Bretagne.
Si le rapport Bethenod considère le marché d’un point de vue global, en prenant en compte tous ses acteurs et en l’intégrant dans une perspective plus large de politique culturelle, les propositions du Sénat et du CES s’en tiennent aux seules ventes publiques, en élargissant le marché aux biens industriels. Aussi, la vente de biens neufs, préconisée par le CES et la proposition de loi Marini-Gaillard, ne figure pas dans le rapport. Par ailleurs, ce dernier réserve un long chapitre d’incitations fiscales en faveur des collectionneurs et entreprises, un volet que l’on ne retrouve pas dans la proposition de loi Marini-Gaillard, ni dans le rapport Simon. « Il n’est pas forcément réaliste d’en proposer un si grand nombre dans la conjoncture budgétaire actuelle, estime Daniel Ergmann, conseiller au Sénat. L’impôt sur le revenu, qui vient de faire l’objet de réformes importantes et dont le produit a baissé en 2007, est jugé par nombre de parlementaires comme donnant lieu à trop de niches fiscales. »
Les trois documents convergent sur la nécessité de moderniser la réglementation et d’assurer la sécurité des transactions. Ils divergent toutefois sur l’appréciation du rôle du Conseil des ventes volontaires, lequel, selon Martin Bethenod, devrait être un guichet unique et non une autorité de réglementation ou de sanction. Pierre Simon est, lui, favorable à ce rôle disciplinaire : « Au contrôle a priori, fondé sur l’agrément préalable, devrait succéder un contrôle ex-post, fondé sur l’enquête ; aux sanctions pénales, devraient se substituer ou coexister des sanctions civiles, plus adaptées, ou des pouvoirs d’injonction sous le contrôle du juge. » Le rapport Bethenod se démarque aussi du Conseil des ventes en ne reprenant pas l’un de ses chevaux de bataille, le crédit d’impôt en faveur des sociétés de ventes, préférant un crédit pour tout commerce de l’art, en direction « notamment [des] antiquaires et galeries d’art » engageant des dépenses en matière de développement international, de recherche et d’édition. « Ce que nous proposons, c’est un crédit d’impôt qui vise à soutenir et non à compenser », explique Martin Bethenod. Pierre Simon prend, lui, ses distances avec la hargne du Conseil des ventes contre eBay. « Ne nous trompons pas de combat. eBay ne concurrence pas, n’est pas sur le même type d’opérations, confie-t-il. Les opérateurs doivent se prendre par la main et mettre en place de vrais sites d’enchères. »

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°279 du 11 avril 2008, avec le titre suivant : Convergences et divergences

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