La réforme des ventes volontaires aux enchères publiques en France met un terme à plus de quatre siècles de monopole des commissaires-priseurs.
Elle fait suite à un long combat entrepris par Laure de Beauvau-Craon, présidente de Sotheby’s France de 1991 à 2004 (lire p. 39). Cette dernière porte plainte en 1993 auprès de la Commission européenne, arguant de l’article 59 du traité de Rome sur le fondement de la libre prestation de services. Une plainte qui aboutit en 1995 à la mise en demeure du gouvernement français. La loi de réforme est adoptée le 10 juillet 2000. Les décrets d’application paraissent en 2001 et, le 29 novembre 2001, le premier coup de marteau d’une société internationale en France est donné à Paris, chez Sotheby’s.
Afin de mettre en place cette réforme, est créé le 1er août 2001 le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (CVV) dont les membres sont nommés par le garde des Sceaux. La première mission du CVV consiste à agréer les sociétés de ventes volontaires (SVV), soit 340 SVV de 2001 à 2002, puis 80 SVV de 2003 à 2008. Le CVV échoue en revanche à instaurer un système d’agréments pour les experts, autrement mieux organisés en syndicats professionnels. Le Conseil des ventes a également un rôle disciplinaire et sanctionne « tout manquement aux lois, règlements ou obligations professionnelles applicables aux SVV, aux experts agréés et aux personnes habilitées à diriger les ventes ».
Créé en novembre 2001 à la suite de la réforme, le Syndicat national des maisons de ventes volontaires (Symev) est une organisation professionnelle reconnue par les pouvoirs publics comme représentative de la profession.
La transposition de la « directive services » en droit français, d’ici à la fin 2009, permet à présent de se pencher sur une nouvelle réforme des ventes aux enchères publiques en France dont le cadre réglementaire n’est pas adapté aux standards internationaux, comme l’a souligné le rapport Bethenod en 2008.
Hommes d’affaires et danseuses
1999|François Pinault achète la maison de ventes internationale Christie’s. Bernard Arnault s’offre la maison Phillips en 1999 et la maison parisienne Tajan en 2000. En 2002, le patron de LVMH jette l’éponge, cédant Phillips à Simon de Pury et Daniella Luxembourg et, en 2004, Tajan à Rodica Seward.
Collusion
1999|New York
Éclate le scandale des accords de commissions passés secrètement entre Christie’s et Sotheby’s de 1993 à 1997, en violation de la loi antitrust américaine. Sur le plan civil, les deux grandes maisons paient à parité 512 millions de dollars aux acheteurs d’œuvres d’art qui s’estiment lésés par des commissions excessives. Sur le plan pénal, seule Sotheby’s est condamnée. En admettant sa culpabilité et en collaborant avec la justice américaine, Christie’s a bénéficié d’une immunité.
Super-Net
2000|Internet apparaît comme un outil révolutionnaire pour la vente aux enchères en direct ou en ligne même si les premiers essais sont balbutiants.
Concurrence
2000|La course aux œuvres d’art pousse les maisons de vente à faire des propositions financières très alléchantes aux vendeurs : prix garantis (interdits en France) et rétrocessions d’une partie des frais acheteur au vendeur. Pour rééquilibrer leurs marges bénéficiaires, les auctioneers augmentent régulièrement les frais acheteur.
Cessions et acquisitions
2001|Paris
Fondée en 1996, la maison Piasa est rachetée par Artémis (holding de François Pinault) en 2001, puis un nouveau groupement d’actionnaires en prend possession à hauteur de 60 % en 2008. En 2002, les commissaires-priseurs de Drouot déclinent la proposition de Pierre Bergé de regroupement et rachat de l’hôtel des ventes. Quatre d’entre eux rejoignent l’homme d’affaires au sein de la maison Pierre Bergé et associés.
Droit de suite
2001|Une directive européenne généralise à l’ensemble des pays européens l’application du droit de suite (plafonné à 12 500 euros par œuvre) aux ventes publiques et en galeries. Les Anglais obtiennent un moratoire jusqu’en 2012 pour son application aux artistes décédés.
Affaires de commissaires-priseurs
2001|Paris
Deux grands marteaux parisiens tombent sous le coup d’une décision de justice pour abus de confiance aggravé. En 2001, à la suite de la vente Bourdon, Guy Loudmer écope de dix-huit mois de prison avec sursis et 500 000 francs d’amende. En 2006, la cour d’appel de Paris condamne Jacques Tajan à quinze mois de prison avec sursis et 200 000 euros d’amende relativement à l’« affaire Giacometti ».
Artcurial
2002|Paris
La maison Poulain-Le Fur s’associe au commissaire-priseur Francis Briest chez Artcurial pour créer une maison de ventes apte à soutenir la comparaison avec Sotheby’s et Christie’s. En 2005, François Tajan les rejoint.
Transactions privées spectaculaires
2006|Les ventes privées défrayent la chronique. David Geffen vend ainsi un tableau de Jackson Pollock pour 140 millions de dollars.
Restitutions
2006|Le retour dans les familles d’œuvres spoliées durant la Seconde Guerre mondiale, remises depuis dix ans sur le marché, engendre une hausse phénoménale du prix de l’art moderne. La vente de quatre tableaux de Gustav Klimt totalise 192,6 millions de dollars chez Christie’s.
Moyen-Orient
2006|Le Moyen-Orient et ses pétrodollars attirent les maisons de ventes. Christie’s organise ses premières enchères à Dubaï (Émirats arabes unis) en mai 2006, rejointe par Bonham’s en 2008. Sotheby’s choisit Doha (Qatar) pour son premier coup de marteau en 2009.
« Auctioneers » et marchands
2006|Sotheby’s achète la galerie de tableaux anciens Robert Noortman (Maastricht). Christie’s met un pied dans le premier marché en s’offrant en 2007 Haunch of Venison (Londres, Zurich et Berlin).
Effet bœuf
2008|Londres
L’artiste Damien Hirst réalise un coup d’éclat en vendant directement chez Sotheby’s 223 œuvres récentes pour 111,4 millions de livres sterling (140 millions d’euros). Clou de la vente, son Veau d’or est adjugé au prix record de 10,3 millions de livres sterling.
La cote de l’art
2009|Lancée en 1997, la société française www.artprice.com est devenue un acteur incontournable du marché de l’art. Plus de 2 millions de visiteurs mois consultent chaque mois indices et résultats de ventes couvrant 405 000 artistes référencés.
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La réforme des ventes publiques françaises
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1994|L’État français est condamné par la cour d’appel de Paris à verser 145 millions de francs (22 millions d’euros) au propriétaire du Jardin à Auvers, tableau de Van Gogh interdit d’exportation après son classement d’office.
1995|La convention Unidroit sur les biens culturels volés ou illicitement exportés est adoptée le 24 juin à Rome.
2003|La vente à Drouot de la collection André Breton totalise, sur onze jours de ventes, 46 millions d’euros pour 4 100 lots dont 335 préemptions.
2006|Hongkong se classe au 3e rang du marché de l’art international pour les ventes aux enchères publiques, derrière New York et Londres
2008|En difficulté financière, la maison Phillips de Pury bénéficie de l’apport de fonds venant de la société russe du luxe Mercury Group, nouvel actionnaire majoritaire.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°300 du 3 avril 2009, avec le titre suivant : La réforme des ventes publiques françaises