Art Jakarta 2023, la principale foire d’art indonésienne a renforcé sa portée internationale et revu à la hausse ses ambitions grâce à une plus grande intégration régionale.
Jakarta (Indonésie). Organisée au nord de la capitale du 16 au 19 novembre derniers, Art Jakarta a bénéficié d’un espace plus vaste (10 000 m2 contre 6 500 en 2022), d’un nombre d’exposants en hausse (68 galeries dans la section principale, contre 62), ainsi que d’un afflux croissant de visiteurs (36 000 contre 32 000).
La proportion de galeries étrangères est ainsi plus importante, notamment grâce à la Corée du Sud, pays à l’honneur pour cette nouvelle édition. Outre les 7 galeries sud-coréennes, le stand Asean-Korea, sponsorisé par les autorités coréennes, exposait conjointement des artistes coréens et d’Asie du Sud-Est. L’exposition « Perseverance: Art Crossing Borders », inaugurée dans le même temps au centre d’art Art:1 New Museum, fondé par la galeriste et collectionneuse d’art Martha Gunawan, complétait l’initiative. Ce dispositif illustre parfaitement l’esprit « communautaire » de la foire, une valeur à laquelle Tom Tandio, directeur d’Art Jakarta, accorde une grande importance. Lui-même collectionneur d’art, il est également fondateur d’IndoArtNow, une plateforme associative dévolue à la promotion des artistes indonésiens.
Reflet de la diplomatie d’influence sud-coréenne, ce partenariat est également à l’échelle des intérêts économiques et de la taille de la communauté coréenne sur place, l’une des plus importantes du pays, toutes nationalités confondues. Au niveau national, la foire bénéficie du soutien du ministère du Tourisme et de l’Économie créative depuis 2019, marquant une avancée significative dans un pays où les pouvoirs publics sont longtemps restés en retrait des manifestations artistiques et culturelles. Art Jakarta est la propriété de MRA, un important groupe indonésien opérant dans les secteurs de l’audiovisuel, du divertissement et du luxe, ce qui n’est pas sans rappeler le profil d’Endeavor, le groupe américain propriétaire de Frieze.
Même si les galeries occidentales demeurent peu nombreuses, la foire a réussi à attirer l’attention des Occidentaux, comme en témoigne la présence de Marcella Lista, conservatrice en cheffe au Centre Pompidou. Cette visite s’inscrit dans la stratégie d’ouverture du musée parisien aux pays de l’Association des Nations d’Asie du Sud-Est (Asean). « Non-Formes », l’exposition en cours à Paris jusqu’au 8 avril 2024 consacrée au peintre et poète autodidacte thaïlandais Tang Chang (1934-1990) constitue un volet complémentaire de cette orientation artistique. La Tate Modern de Londres suit d’ailleurs ce mouvement avec l’acquisition de Making Pleasure (1998), une toile de l’artiste balinaise I Gusti Ayu Kadek Murniasih (1966-2006) auprès de la galerie Gajah (Singapour, Jakarta, Yogyakarta), lors de la dernière foire Frieze à Londres. La galerie proposait d’autres œuvres de l’artiste à Art Jakarta 2023 qui ont suscité « l’intérêt d’un musée français ».
Malgré la polarisation historique entre Jakarta – la capitale politique et économique qui concentre la majorité des galeries, maisons de ventes et collectionneurs – et Yogyakarta – la capitale artistique rassemblant la plus grande communauté d’artistes, d’écoles d’art ainsi que la principale biennale du pays (Biennale Jogja) –, la foire consacre l’importance croissante de Bandung, capitale de la province de Java, sur la scène artistique. Cette percée s’illustre tout autant par les galeries (ArtSociates, Bale Project, Ruang Dini, Grey Art, Zola Zolu) que par les artistes (Sunaryo Sutono, Syagini Ratna Wulan, Arin Dwihartanto Sunaryo, entre autres) présents sur la foire. Même si la galerie japonaise Ota Fine Arts (Tokyo, Shanghaï, Singapour) ne présentait aucune œuvre de Christine Ay Tjoe (née en 1973), cette peintre de Bandung a pris la tête du classement des artistes indonésiens contemporains vivants les plus chers, avec une vente record chez Christie’s Hongkong à 1,6 million d’euros en 2021. Une exposition monographique lui est actuellement consacrée à la galerie White Cube à Londres jusqu’au 13 janvier 2024. À l’exception notable de Bali, on note par ailleurs que ce mouvement de décentralisation se limite encore à Java, dont la domination sur les autres îles de l’archipel reste encore très forte.
Côté ventes, le bilan est plus difficile à établir car de nombreuses transactions restent confidentielles, tout comme le coût des stands à la foire. Malgré cela, la gamme de prix observée demeure très abordable. Cependant, le prix final, incluant le transport, peut varier significativement en fonction des taxes en vigueur dans le pays de la galerie et celui de l’acheteur. Bale Project (Bandung) a vendu un diptyque de 2 x 4 m de Hedi Soetardja (né en 1976) pour moins de 5 000 euros. ArtSociates (Bandung) a vendu une toile de Dadan Setiawan (né en 1979) pour environ 2 000 euros, ainsi qu’une sculpture de 1,7 m de hauteur de Gabriel Aries Setiadi (né en 1984) pour 11 500 euros. La 75 Gallery (Jakarta) proposait une toile de Jeihan Sukmantoro (1938-2019) pour environ 5 000 euros. Les œuvres d’artistes internationalement reconnus comme Agus Suwage (né en 1959), Heri Dono (né en 1960), ou Yunizar (né en 1971) se vendent à des prix plus élevés, entre 25 000 et 75 000 euros. La barre des 100 000 euros semble rarement franchie. Même les œuvres des maîtres de l’art moderne indonésien comme Affandi (1907-1990) sont proposées entre 70 000 et 110 000 euros, soit un prix médian sensiblement inférieur à ceux observés dans les maisons de ventes.
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Art Jakarta confirme l’élan du marché indonésien
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°622 du 1 décembre 2023, avec le titre suivant : Art Jakarta confirme l’élan du marché indonésien