Comme dans les autres spécialités, le marché Art déco est à deux vitesses, avec une demande forte pour les pièces signées.
Tout en haut de la pyramide, il y a les pièces iconiques des créateurs emblématiques de la période : Jean Dunand, André Groult, Armand-Albert Rateau, Eileen Gray, Pierre Chareau, Pierre Legrain, Jacques-Émile Ruhlmann, Eugène Printz, Marcel Coard, Jean-Michel Frank, Paul Iribe… « Pour moi, une douzaine compte, pas plus », tranche Cheska Vallois. Elle ajoute « Tous sont à égalité, il n’y en a pas un qui se détache particulièrement. Dès qu’une pièce d’eux sort, cela fait des gros prix. » Dans ce corpus, les prix ne se sont pas assagis. « Ils sont relativement stables et à des niveaux très très hauts », confirme Agathe de Bazin, spécialiste chez Christie’s Paris.
La laque de Jean Dunand plaît toujours autant. En février dernier, la maison de ventes Briscadieu (Bordeaux) a adjugé une petite table basse en laque arrachée (vers 1923-1925) à 265 000 euros, quadruplant son estimation. Les créateurs à la production très restreinte, comme Marcel Coard, séduisent toujours, tandis que le marché de Jean-Michel Frank reste solide. Jacques-Émile Ruhlmann aussi conserve sa cote ; en octobre, Christie’s a vendu un secrétaire à abattant en écaille de tortue 906 000 euros (est. 60 000 à 80 000 €) : « J’avais un budget de 200 000 euros pour un client. Je pensais être large, mais je n’ai pas pu suivre », confie l’experte Amélie Marcilhac. Eileen Gray, qui détient le record dans le domaine avec le fauteuil aux dragons (22 M€ en 2009, voir ill.) reste très recherchée aussi, pour ses meubles en laque, mais pas seulement : « J’ai vendu des fauteuils Bibendum à plus de 500 000 €. Ils sont toujours aussi chers et on peut même rajouter 100 000 ou 200 000 € », annonce Jacques De Vos.
Si le nom de ces créateurs est associé à une provenance prestigieuse, les prix grimpent en flèche. Particulièrement sensible aux provenances d’exception, ce marché recense quantité de ventes historiques : outre celle de Jacques Doucet et d’Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé, les collections Félix Marcilhac en 2014 (24,7 M€), Henri Chwast en 2016 (8,5 M€) ou Annie et Jean Dalsace en 2021 (15,3 M€, Christie’s Paris) figurent au palmarès. Dernière en date, la collection Ronald Perelman dispersée en décembre chez Sotheby’s New York a décroché 32,9 millions d’euros. Une coiffeuse d’Armand-Albert Rateau, vers 1921, en bronze, a été achetée par la galerie Vallois 3,7 millions d’euros tandis qu’Eugène Printz a enregistré un record avec un buffet en wacapou, vers 1937 (3,9 M€).
Hors pièces exceptionnelles, « il faut compter entre 30 000 et 50 000 euros aux enchères pour des œuvres signées », précise Amélie Marcilhac, sans compter qu’il y a un deuxième cercle de créateurs, tout aussi talentueux, mais à des prix moins importants, comme Louis Süe et André Mare ou Maurice Dufrène. Le marché renferme aussi des pièces à moindre prix, mais ce ne sont pas les plus recherchées : « Tout ce qui est indiqué “travail français des années 1930”, sans paternité certaine, peut débuter à 200 euros », affirme l’experte. De son côté, Céline Mathivet assure que l’on peut obtenir un meuble de belle facture « à quelques milliers d’euros ».
Quant aux éventuelles baisses, ce n’est pas tant un tassement des prix, mais plutôt une désaffection pour certaines matières et couleurs que l’on constate : « Une enfilade de Jules Leleu, aujourd’hui, s’estime 600 euros parce que c’est une esthétique qui ne plaît plus forcément, que c’est un meuble lourd à porter, difficile à placer dans nos petits appartements », concède Amélie Marcilhac.
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Art déco, des prix qui se maintiennent
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°612 du 26 mai 2023, avec le titre suivant : Des prix qui se maintiennent