PANTIN
Le sculpteur britannique est à son aise chez Thaddaeus Ropac à Pantin, où des pièces spectaculaires, évocatrices du corps humain, s’ajustent au volume des espaces.
PANTIN - Lorsqu’il a inauguré son nouvel espace à Pantin (Seine-Saint-Denis) à la rentrée 2012, Thaddaeus Ropac justifiait cet ambitieux projet par la nécessité, dans l’euphorie du marché de l’art haut de gamme, de proposer un lieu d’exposition plus vaste aux artistes, pour répondre à leur envie de réaliser et de montrer des œuvres très importantes. Il évoquait les limites de sa galerie de la rue Debelleyme dans le Marais et citait en exemple les difficultés logistiques rencontrées à l’époque pour présenter des sculptures d’Antony Gormley pesant plusieurs tonnes. L’actuelle exposition, « Second Body », de l’artiste anglais (né à Londres en 1950), qui n’aurait pu se tenir à la galerie mère, illustre parfaitement les propos de son galeriste. Ceux-ci se vérifient d’autant plus que Gormley a précisément fait du rapport à l’espace la boussole et le compas de sa démarche. Et si toutes les œuvres jouent ici avec le volume des grandes nefs où elles sont disposées, leur dialogue avec l’environnement est encore plus fort pour deux d’entre elles.
La première, Matrix II, est spécialement conçue pour l’occasion. Elle prend la forme d’un immense parallélépipède (15 m de long, 7,5 m de haut, 5,5 m de large) composé de tiges de fer à béton. Chaque module (seize au total), qui constitue ce qui apparaît comme le dessin en volume d’une cage grillagée, correspond à l’espace d’une petite pièce d’appartement, et chaque carré qui dessine les faces des cubes est de la taille d’une main ouverte ou d’un visage (l’on retrouve le rapport au corps). À l’arrivée, l’œuvre nous repousse le long des murs et nous interdit son accès, si ce n’est par le regard qui peut la traverser. Elle engendre ainsi de multiples perspectives, des jeux de vides, de plans, qui donnent au spectateur le sentiment du mouvement et de l’instabilité. Mais, quel que soit l’angle, on ne peut jamais voir la pièce dans son ensemble.
La seconde œuvre, Expansion Field, est composée de soixante sculptures (!) d’environ 2 m de hauteur chacune. Réalisées en tôle d’acier Corten, elles évoquent toutes le corps humain composé à partir de formes géométriques. Gormley préfère le terme de « corps » à celui de figure humaine, qui implique pour lui « une dimension plus narrative, alors que le corps donne l’idée d’un endroit, que notre esprit, notre conscience, habitent. J’ai toujours traité le corps comme un bâtiment ». Le corps comme architecture, en somme. À l’inverse de Matrix II, bel exemple justement de structure architecturale, Expansion Field n’est pas réalisée pour cette exposition puisqu’elle a été montrée au Zentrum Paul-Klee à Berne, en Suisse (en 2014-2015) dans une salle beaucoup plus vaste. La configuration plus petite de la salle intéresse ici Gormley, toujours dans ce souci de composer avec l’espace pour que la sculpture provoque une expérience sensorielle et mentale chez le spectateur. Et notamment cette impression d’agrégation, d’étouffement lorsqu’on circule dans le labyrinthe de ces corps sombres alignés comme les mégalithes de Carnac.
Expérience à vivre
Certes très forte dans son rapport à l’espace et dans la circulation imposée au visiteur, Expansion Field reste toutefois moins séduisante plastiquement que les quinze totems ou corps-colonnes qui, telle une constellation, rythment la plus grande nef, sous une lumière zénithale démultiplicatrice d’ombres. De grande taille, environ 3 m de haut, également composées comme un jeu de construction de cubes en fonte et en équilibre, elles ont toutes des postures différentes qui éveillent chez le spectateur des sentiments de nature diverse. Là encore, la sculpture comme expérience à vivre, matrice de perceptions et de jeux d’échelle déjà présents dans Stop, une toute petite sculpture, en plomb, installée dans la salle d’entrée en dialogue avec Hole, une pièce énorme (3,65 m x 2,41 m x 3,10 m) évoquant un personnage assis.
Ce jeu d’échelle, on le retrouve dans le prix des œuvres qui va de 10 000 euros pour un petit dessin, et de 200 000 à 650 000 pour une sculpture.
Jusqu’au 18 juillet, Galerie Thaddaeus Ropac, 69, av. du Général-Leclerc, 93500 Pantin
tél. 01 42 72 99 00
www.ropac.net
du mardi au samedi 10h-19h.
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Antony Gormley architecte du corps
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Abonnez-vous dès 1 €Nombre d’œuvres : 35, dont 17 dessins et une installation composée de 60 sculptures
Prix : de 10 000 à 650 000 €
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°431 du 13 mars 2015, avec le titre suivant : Antony Gormley architecte du corps