La loi du 2 juillet 1996 a créé le cadre juridique de la Fondation du Patrimoine. Dotée d’objectifs ambitieux et d’atouts juridiques et fiscaux conséquents, il reste à la Fondation à trouver les moyens financiers d’une politique encore à définir. Son évolution dépendra sans doute de la capacité française à développer une gestion mixte du patrimoine.
PARIS. D’inspiration anglaise – le National Trust – mais de droit français, la Fondation du Patrimoine se présente plutôt aujourd’hui comme une auberge espagnole. On peut en effet sans risque dire que l’on y trouvera ce que l’on y apportera. En effet l’État, soucieux de laisser entreprises et citoyens s’y investir, et accessoirement impécunieux, a décidé de n’y investir aucun fonds. La constatation n’est pas critique. Elle manifeste sans doute que l’on conçoit encore mal en France que l’État contribue financièrement à une initiative culturelle d’envergure sans se l’approprier. Pour mieux affirmer cette logique, la loi a prévu que les membres fondateurs devront disposer de la majorité absolue des voix au conseil d’administration.
Un rôle pour l’emploi
Évidemment, compte tenu de ses prérogatives patrimoniales – notamment la possibilité de demander des expropriations pour cause d’utilité publique – et fiscales (bénéfice du régime des fondations reconnues d’utilité publique et possibilités d’accueil de fondations dans des conditions similaires à celles de la Fondation de France ou de l’Institut de France), la loi soumet la Fondation du Patrimoine au contrôle de la Cour des comptes et permet à l’État de freiner ou de bloquer des initiatives qu’il jugerait inopportunes. Les objectifs fixés sont très ambitieux (lire ci-dessous). Outre la protection et la mise en valeur du patrimoine et des sites, en particulier d’un patrimoine de proximité évalué à près de 400 000 édifices en France, la Fondation devrait jouer un rôle moteur dans le développement de l’emploi en matière de restauration et de métiers d’art : le ministère de la Culture a mentionné un potentiel de 7 à 8 000 emplois dans ces seuls domaines. Pour assurer son succès, la Fondation devra convaincre : d’abord, les grandes entreprises de concourir financièrement à sa création en la dotant, on l’espère, richement ; ensuite, les collectivités publiques et les associations ; enfin, le grand public, qui pourra adhérer à la Fondation moyennant une cotisation annuelle. La première étape sera l’adoption des statuts et leur approbation par décret, ce qui déterminera la naissance effective de la Fondation. Les statuts devant fixer des dispositions importantes – contributions financières des fondateurs, composition et mode de fonctionnement des conseils d’administration (l’exécutif) et d’orientation (le scientifique) –, leur contenu est très attendu, comme le sont également les noms des premiers membres fondateurs.
La loi a créé un élan ; les règlements doivent le confirmer.
DES OBJECTIFS TRÈS AMBITIEUX
Ces objectifs sont fixés par l’article 2 de la loi du 2 juillet 1996 :
La Fondation du Patrimoine a pour but de promouvoir la connaissance, la conservation et la mise en valeur du patrimoine national.
Elle s’attache à l’identification, à la préservation et à la mise en valeur du patrimoine non protégé (NDLR : ce qui exclut de sa compétence directe les monuments et sites en gestion directe par la Caisse nationale des monuments historiques et des sites, ou ceux qui ont fait l’objet d’un classement ou d’une inscription à l’Inventaire supplémentaire, sous réserve toutefois des concours qu’elle peut apporter à leurs propriétaires publics ou privés).
Elle contribue à la sauvegarde des monuments, édifices, ensembles mobiliers ou éléments remarquables des espaces naturels ou paysagers menacés de dégradation, de disparition ou de dispersion (NDLR : cette dernière expression vise clairement les éléments immobiliers ou mobiliers susceptibles d’être extraits abusivement, mais légalement, des monuments). Elle concourt ainsi à l’emploi, à l’insertion, à la formation et à la transmission des savoir-faire dans les secteurs de la valorisation du patrimoine et des sites.
Elle apporte son concours à des personnes publiques ou privées, notamment par subvention, pour l’acquisition, l’entretien, la gestion et la présentation au public de ces biens, qu’ils aient ou non fait l’objet de mesures de protection prévues par la loi.
Elle peut également acquérir des biens visés au troisième alinéa lorsque cette acquisition est nécessaire aux actions de sauvegarde qu’elle met en place.
Elle peut attribuer un label au patrimoine non protégé et aux sites. Ce label est susceptible d’être pris en compte pour l’octroi de l’agrément prévu au 1°ter du II de l’article 156 du code général des impôts.
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La Fondation du Patrimoine devra convaincre
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°28 du 1 septembre 1996, avec le titre suivant : La Fondation du Patrimoine devra convaincre