Le bilan annuel du Conseil des ventes volontaires, qui se bonifie avec le temps, montre une fois encore la fin prochaine de l’atomisation du secteur.
PARIS - Alors que Christie’s venait d’annoncer des résultats mondiaux en berne pour l’année 2016, Catherine Chadelat, la présidente du Conseil des ventes volontaires, esquissait un petit sourire au moment de présenter le bilan des ventes publiques en France. Avec une progression de 4,7 %, faisant suite également à une hausse de 6 % en 2015, les adjudications d’art et objets de collection font mieux que résister en France comme le Journal des Arts l’a relevé à plusieurs reprises. Pour autant, la profession aurait tort de se réjouir. En dix ans, ce marché n’a augmenté que de 14 %, un taux de progression que l’on trouve plutôt dans les industries traditionnelles (par exemple dans l’alimentaire) et pas dans le secteur du luxe ou de la mode auquel on associe souvent l’art.
Une croissance largement insuffisante pour nourrir les appétits des deux anglo-saxons Christie’s et Sotheby’s qui se développent surtout au détriment des maisons de ventes traditionnelles. En seize ans, le duo détient déjà 27 % des 1,392 milliard d’euros que constitue le secteur Art et objets de collection (qui comprend également les voitures de collection, la joaillerie et les vins et alcools).
Naturellement avec une telle domination, il occupe les deux premières places du podium, Christie’s étant, comme l’an dernier, légèrement devant Sotheby’s – une affaire d’honneur pour la maison de François Pinault. Derrière Artcurial, le troisième compétiteur, loin derrière, la résistance s’organise. Les dix-sept suivants réalisent une moyenne de 18 millions d’euros de chiffre d’affaires contre 196 millions d’euros pour Christie’s, de sorte que les vingt premiers détiennent 61 % du marché. Le secteur se concentre à grand pas, et on s’interroge sur le sort des autres 380 opérateurs de ventes volontaires qui se partagent 39 % du marché, soit un produit d’adjudication moyen de 1,4 million d’euros. Avec un taux de commission acheteurs et vendeurs d’environ 30 %, ces études dégagent un chiffre d’affaires de 420 000 euros permettant de payer trois ou quatre personnes et une salle des ventes. Difficile de lutter dans ces conditions. Et encore, le raisonnement se fait ici en moyenne ; la situation financière des 150 plus petits opérateurs est en dessous de ces chiffres.
Le regroupement des maisons de ventes n’est donc qu’une affaire de temps, s’inscrivant dans l’inéluctable concentration à l’œuvre dans tous les secteurs, notamment ceux de la distribution. D’ailleurs, il ne faut pas aller bien loin pour prendre conscience de cet état de fait : les ventes aux enchères de voitures d’occasion (pour lesquelles le CVV publie également des chiffres) qui progressent très vite, au point de faire jeu égal avec les ventes d’arts et objets de collections, sont littéralement monopolisées par dix acteurs qui concentrent 88 % des transactions.
Dans le même temps, la tendance sur la nature des objets vendus n’est pas propice aux petites études régionales. Le marché est de plus en plus poussé par l’art d’après-guerre et contemporain (21 % des seules ventes « art et antiquités ») et l’art impressionniste et moderne (19 %) qui requièrent un marketing tourné vers l’international. Si la bonne vieille commode Louis XVI ou Empire peut encore intéresser un public local, il faut en vendre beaucoup pour faire du chiffre.
Le salut peut-il passer par Internet ? Pas sûr, les transactions complètement dématérialisées dites « en ligne » ne pèsent que 15 millions d’euros, une faible progression par rapport aux 14 millions d’euros de l’an dernier… Et avec un acteur qui, à lui seul, occupe 60 % de ce marché, il s’agit d’International Wine Auction.
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L’inéluctable concentration des maisons de ventes
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°474 du 3 mars 2017, avec le titre suivant : L’inéluctable concentration des maisons de ventes