Après avoir récemment marqué les esprits avec son exposition controversée au Palais de Tokyo, en partenariat avec Jean-Jacques Lebel (« L’un et l’autre »), l’artiste franco-algérien Kader Attia, Prix Marcel Duchamp 2016 et fondateur de La Colonie, café-agora parisien particulièrement centré sur les questions post-coloniales, présente une exposition monographique et introspective au Mac/Val.
S’il reprend certains de ses « standards » (ses photographies chocs sur les transsexuels et les travestis algériens, ses frigos couverts de miroirs ainsi que sa vidéo mémorable sur l’amputation, Réfléchir la mémoire, qui lui a valu le prestigieux prix), l’artiste conçoit, avec Les racines poussent aussi dans le béton, une grande installation labyrinthique inédite in situ, revisitant la banlieue à l’aune du rapport entre corps citoyen et architecture sociale via les cités-dortoirs. Il est rare qu’une exposition d’un plasticien contemporain nous fasse voir le monde autrement, c’est pourtant le cas cette fois. À force de tourner autour d’un axe artistique et philosophique très fort – prendre en compte la fêlure, quelle qu’elle soit, et assumer la réparation en ne masquant rien de l’acte réparateur afin de « dire » la blessure initiale –, l’artiste nous montre combien l’Occident actuel, clinique et hygiéniste à outrance, a bien des choses à apprendre d’ailleurs, notamment des sociétés traditionnelles primitives, afin de devenir plus modeste et d’en sortir ainsi grandi. Dans l’une des expos artistiques et politiques incontournables de 2018, Kader Attia ne fait pas de l’art pour l’art, mais pour dire le monde, tout simplement.
Musée d’art contemporain du Val-de-Marne, place de la Libération, Vitry-sur-Seine (94), www.macval.fr
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°714 du 1 juillet 2018, avec le titre suivant : Voir le monde autrement avec Kader Attia
