LYON
L’exposition lyonnaise propose une alternative colorée au point de vue formaliste et décontextualisé auquel sont soumis habituellement les objets africains.
La dernière œuvre que l’on voit en sortant du parcours d’« Une Afrique en couleurs » est une toile de Chéri Samba au nom équivoque : J’aime la couleur (2003). Un autoportrait aux accents surréalistes que l’artiste congolais a décliné à de multiples reprises, renouvelant à chaque itération sa déclaration d’amour à la couleur. Et un grand écart avec l’image ouvrant l’exposition, le célèbre portrait de Kiki de Montparnasse par Man Ray. Le visage blanc de la muse parisienne y contraste avec le noir mat d’un masque Baoulé (Côte d’Ivoire). La perfection esthétique de ce portrait, l’équilibre des volumes comme de la gamme des noirs et des blancs en font un chef-d’œuvre de la photographie. L’œuvre de Man Ray est aussi le témoignage d’une vision de l’art africain, qui recherche dans ce type d’objets des qualités formelles sans toutefois se préoccuper de leur signification ni de leur contexte de création. Durant une bonne partie du XXe siècle, l’art africain n’a ainsi existé qu’à travers l’attention des artistes, des critiques et des collectionneurs européens, qui ont porté sur les productions africaines un regard essentiellement sculptural.
Soumis à ce point de vue occidental, les objets sont modifiés, mutilés : les socles sont ôtés, les accessoires, tissus ou pigments qui augmentent les statues également. Au prétexte d’une mise en valeur des lignes, la couleur disparaît, et avec elle de précieuses informations sur la vie et l’utilisation de l’objet. Il suffit de parcourir le catalogue d’une foire d’arts premiers pour s’apercevoir que cette vision est toujours solidement ancrée dans les esprits en Europe. S’appuyant sur la donation, en 2000, de 685 objets africains par Denise et Michel Meynet, l’exposition du Musée des Confluences est un contre-pied à ce réflexe formaliste.
Si la progression du parcours est parfois chaotique, enchaînant abruptement des thématiques parfois éloignées, la démonstration générale est limpide. Quelques pas devant les cimaises riches en objets chamarrés suffisent à comprendre l’apport de la couleur dans la compréhension de l’art africain : les nuances colorées des tissus, de la statuaire ou de l’architecture y apparaissent comme un mode de communication symbolique, social, religieux… et quelquefois purement ornemental.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°557 du 11 décembre 2020, avec le titre suivant : Une autre Afrique aux Confluences