Art contemporain

1960-1970

Un pop art engagé

Par Itzhak Goldberg · Le Journal des Arts

Le 5 août 2021 - 642 mots

NICE

Nice montre un autre visage du mouvement, celui des femmes, plus critiques que leurs pairs masculins vis-à-vis de la société de consommation et des clichés qu’elle véhicule.

Nice. Au Mamac (Musée d’art moderne et d’art contemporain), les spectateurs sont projetés dans l’univers – enchanté ? – du pop art. Les toiles, aux couleurs clinquantes, voire criardes, posées en aplats, glorifient (ou subvertissent) l’imagerie commerciale de la publicité et de la consommation. Fabriqués en série, souvent en matière plastique, les objets : voitures, conserves, aspirateurs, se font envahissants. Prolifération qui est avant tout le signe de leur caractère éphémère, fondamentalement précaire – ils ne se réparent plus, ils se jettent. Rien ne manque ici, même pas les chansons yé-yé qui résonnent en fond sonore, rappelant ces temps de jeunesse triomphante. Pourtant, le visiteur attentif remarque une étrange absence, celle de Roy Lichtenstein, James Rosenquist, d’Andy Warhol ou Tom Wesselmann, ces vedettes du pop art. Ceux-ci sont dans la collection du musée, un étage plus haut. Mais dans « Les amazones du pop » se découvre le rôle méconnu des femmes, ignorées par l’histoire de l’art et dont les œuvres traitent globalement de thèmes semblables à ceux de leurs pairs masculins.

Les liens entre le pop art et le genre féminin existent pourtant bel et bien : parmi les icônes de ce mouvement, la face de Marylin revient comme une obsession. Son visage et celui de Liz Taylor ou de Jackie Kennedy, les corps de Brigitte Bardot ou de Jane Fonda ou encore les pin-up alléchantes de Mel Ramos sont des visions stéréotypées du fantasme érotique masculin. Mais s’agit-il d’une vision critique ? La question de l’interprétation de ces images indécises reste volontairement ouverte. En revanche, face aux œuvres réalisées par les femmes, impossible de ne pas voir la dénonciation des clichés fabriqués par la société. Amplifiée, drôle ou agressive, leur critique sape ces lieux communs.

Un progrès à reconsidérer

Le parcours, clair et accompagné de panneaux pédagogiques exemplaires, s’ouvre sur « Le désir et les corps élégiaques ». Ainsi, avec Miss Universe (1963) de Kiki Kogelnik, le nu féminin, réduit à un schéma géométrique, caricature cet événement ridicule et dégradant qu’est l’élection de Miss Univers. Et l’héroïne d’une bande dessinée de Guy Peellaert, prête à combattre, n’a rien des personnages de Lichtenstein, dociles et vulnérables (Les Aventures de Jodelle, 1966). Puis, le chapitre « L’ange du foyer et ses modernes solitudes » est une charge féroce contre« l’idéal aseptisé d’une épouse au foyer comblée, diffusé par la publicité »Woman with Vacuum(1966-1972) de Martha Rosler, artiste féministe parmi les plus inventives, est une version ironique d’une affiche de Richard Hamilton dessinée pour une exposition essentielle à Londres en 1956 : « This is tomorrow » (C’est demain). D’où le titre de la section « Demain serait meilleur ? ». D’ailleurs, le terme « pop art » est ici trop restrictif. Pour elles, la notion de progrès se pense avec l’origine ethnique et la classe sociale (Sister Corita Kent, Mary’s Day Procession, 1964). Féministes, progressistes, elles« se relient à un mouvement plus global[…]un courant spirituel pacifiste et contre-culturel », écrivent Hélène Guenin, directrice du musée, et Géraldine Gourbe, commissaires de l’exposition.

Giacometti sur le rocher 

Monaco. Une énième rétrospective élaborée par Catherine Grenier, directrice de la Fondation Alberto Giacometti ? Selon Émilie Bouvard, directrice scientifique à la fondation et commissaire de l’exposition qui occupe les 2 500 mètres carrés du Grimaldi Forum Monaco, celle-ci est« la plus importante de ces dernières années ». Placée sous le signe de l’émerveillement, la manifestation propose 230 œuvres, dont certaines, restaurées, ont été rarement montrées au public. Le parcours, articulé en quatorze sections thématiques (« La tentation de l’abstraction », « Portraits du Fayoum », « Sculptures animées », « Femmes ou déesses », « Aux limites de la sculpture »…), propose également un dispositif audiovisuel immersif de l’atelier parisien de l’artiste suisse. Constitué à partir de témoignages d’époque et de photographies, il offre au visiteur« une évocation sensible de la vie de Giacometti ».

Itzhak Goldberg

 

Alberto Giacometti, le réel merveilleux,

jusqu’au 29 août, Grimaldi Forum Monaco, 10, avenue Princesse-Grace, 98000 Monaco.

She-bam Pow pop wizz ! Les amazones du pop,
jusqu’au 29 août, Mamac, place Yves-Klein, 06000 Nice.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°571 du 9 juillet 2021, avec le titre suivant : Un pop art engagé

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