Son nom laissera sans doute moins d’empreinte que les héros du Pop Art. Et pourtant, le Californien creuse depuis un demi-siècle le sillon des mythologies américaines et s’est fait une spécialité juteuse de la figure de la pin-up.
Dans la masse échevelée de la grammaire pop, on demande Mel Ramos, 75 ans. Si sa fortune critique fut bien mal assurée en France, le peintre californien récolte depuis un demi-siècle et sans mollir les fruits durables d’une imagerie puisant sans relâche dans la rhétorique du désir. Mention spéciale au marché et aux pays germaniques, qui lui rendent obstinément hommage. Après Tübingen au printemps dernier, c’est donc au tour de l’Albertina Museum à Vienne de faire le point sur un parcours aux contours Pop.
Au programme : une rétrospective linéaire, des premiers et jeunes dessins – encore en dette avec l’expressionnisme abstrait – aux commerciales pin-up rejouées à la peinture à l’huile et dont l’artiste s’est fait une spécialité persistante. Motifs récurrents : emprunts aux comics, super-héroïnes à voluptueuses silhouettes, nus bruyamment glamourisés parodiant la grande peinture, pin-up maintenues dans leur érotisme bon marché, le tout combiné – validé ?– par un jeu de références plus ou moins railleuses à la publicité. Les femmes peuvent bien vendre le monde. Alors quoi ? Mel Ramos, figure majeure du mouvement Pop injustement négligée par l’histoire, ou virtuose érotomane opportunément promu par le canon Pop ? Sans doute un peu des deux.
Quelle place alors pour ce pinceau mi-littéral, mi-ironique, trempé dans la culture populaire ? L’artiste aura indiscutablement joué un rôle d’importance dans la construction de la séquence Pop, versant indécrottablement Côte Ouest, à l’image d’un Ed Ruscha ou d’un Billy Al Bengston. En 1963, il expose même en bonne place aux côtés de Warhol, Lichtenstein et Rosenquist dans la fameuse exposition Pop au musée d’Art contemporain de Houston. Et c’est sans nul doute du côté de ces glorieuses années qu’il faut aller chercher ses séries les plus convaincantes.
L’obsession des formes
Né en 1935 à Sacramento, Mel Ramos fait ses classes en Californie et entre en art alors que triomphe l’expressionnisme abstrait américain. Engagé presque sans rature dans la voie de la figuration dans la plus pure tradition californienne, il admire Dalí et fait ses premières armes en exerçant ses talents de graphiste. Il en gardera le goût du texte, de la typographie et de la composition efficace.
Mais, à la différence de nombre de ses collègues, Ramos ne renoncera jamais au plaisir charnel et technique de la matière picturale. En témoignent les vertigineuses masses d’esquisses et croquis préparatoires, et ses premiers emprunts aux Comics au seuil des années 1960. Le transfert des super-héros en peinture lui permet bel et bien une opération d’incarnation. D’abord énergiquement
brossées, touches visibles et texturées, les figures se polissent, se précisent. Jusqu’aux pin-up et playmates des années 1980, désérotisées à force de clarté technique.
Reste encore le plaisir du motif : la femme, centrale, et toujours hypersexuée. Un motif obsédant qui pourrait bien recouvrir le prétexte popisant et distancé de l’emprunt fait à une imagerie populaire. Jucher une femme nue sur un fromage de grande échelle relève bien sûr de l’ironie joyeuse, met le doigt sur l’industrie publicitaire comme sur la consommation de masse, énonce les mécanismes d’une imagerie érotique de masse enfantée par l’Amérique, mais permet encore et surtout de décliner à l’envi une obsession formelle et érotique jusqu’à plus soif.
En témoignent les déclinaisons tous azimuts – sculptures et multiples – que s’autorise aujourd’hui Mel Ramos. Mais jucher une femme nue et concupiscente sur un morceau de fromage ou un hot-dog géant, c’est aussi jouer, complice et critique, avec les mêmes codes de séduction et de consommation que ceux d’une société dévorée par ses images. En cela, Ramos reste sans doute un artiste Pop.
1935 Naissance à Sacramento.
1962-1963 Premières œuvres en couleurs inspirées des Comics américains.
Années 1960 Les pin-up apparaissent dans son travail.
1966-1997 Il enseigne à la California State University.
1967 Expo personnelle au San Francisco Museum of Art.
1995-1996 Première rétrospective européenne en Allemagne et en Autriche.
2011 Vit et travaille à Oakland (USA) et à San Juan de Horta (Espagne).
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Mel Ramos, Pop modèle ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°633 du 1 mars 2011, avec le titre suivant : Mel Ramos, Pop modèle ?