La National Portrait Gallery, à Londres, tente de cerner le vrai visage du pop art à travers ses portraits. Des préoccupations qui semblent encore actuelles.
LONDRES - Alors que certains revendiquent encore leur quart d’heure de célébrité, d’autres se rendent aux sources du pop art voir si Warhol y est. Et dans l’exposition « Pop Art Portrait » organisée à la National Portrait Gallery à Londres, on croise bel et bien cette figure marquante du pop art américain et, qui plus est, en très bonne compagnie. Marilyn Monroe, James Dean, Mick Jagger, John F. Kennedy, les Beatles ou Elvis occupent, entre autres, cette extraordinaire galerie de portraits, dont les auteurs sont Peter Blake, Roy Lichtenstein, Claes Oldenburg ou Jasper Johns. Warhol, lui, nous apparaît dans un grand autoportrait aux airs innocents datant de 1967. Rien à voir avec le pape du pop que l’on connaît.
Visages familiers
Après les biens de consommation courante : Campbell’s Soup, boîtes de Brillo, dentifrices et autres produits, le pop art décline ses visages si familiers au fil des sept salles à la National Portrait Gallery de Londres. D’abord, les « Précurseurs » situent précisément les origines du pop art en Angleterre, fin 1950, sur fond de Swinging London, avec les célèbres collages de Richard Hamilton en guise de manifeste. Et si le très célèbre Just what’s it that makes today’s homes so different so appealing ? [Qu’est-ce qui rend nos intérieurs actuels si différents et attrayants ?], ne fait pas partie du palmarès, c’est pour nous mettre face à l’une de ses œuvres sœur. Là, Ray Johnson nous présente un Elvis en Œdipe, alors que Peter Blake a intégré des 45 tours vinyle et leurs pochettes à ses collages.
Face à cela, des portraits d’anonymes ou de personnages connus filmés par Warhol défilent sur grand écran. Plus loin encore, l’artiste, dans une de ses toiles, n’a pas hésité à doubler voire dupliquer l’image d’Elvis. Comme s’il s’agissait d’un simple produit, finalement, l’être humain devient reproductible. Sur un collage, James Dean, affublé de deux logos Lucky Strike en guise d’oreilles de Mickey, met finalement son esprit rebelle au service d’une marque et se change en homme-sandwich.
Indéniablement, le pop art a non seulement changé notre regard sur le monde, mais aussi bouleversé les critères du portrait classique. Obsédé par la célébrité, les apparences et la consommation, le mouvement a changé la face du monde avec ses collages et ses emprunts à la bande dessinée ou à la publicité. S’ensuivent des thèmes pour chaque salle : Portrait et style ; Puissance imaginative ; Cinéma ; Innocence ; expérience... Un Jim Dine composé d’un simple costume recouvert de peinture, et un Lichtenstein pour l’esprit bande dessinée...
Quelle est la place de la femme dans tout cela ? Pulpeuse et généreuse, elle représente le désir de consommation et se pose dans les œuvres comme dans la publicité, tel un appât sexuel, une figure déshumanisée. Le Great American Nude de Wesselman insiste sur les zones érogènes d’une femme qui sort de sa douche, mais c’est dans la salle consacrée à Marilyn Monroe que le statut de la femme est révélé : figure pop et personnage culte, Marilyn est la femme-objet par excellence. Au-delà des célèbres sérigraphies de Warhol, Claes Oldenburg nous la présente évanescente, tel un fantôme à deviner à travers quelques cintres, des fils et une paire de chaussures, alors que d’Arcangelo la propose en kit, morceau par morceau, à recomposer.
Avec « Pop Art Portraits », près d’un demi-siècle plus tard, la société semble plus que jamais habitée par les mêmes préoccupations. L’exposition montre comment les artistes pop ont établi une sorte de résistance à la société de consommation dans les années 1950-1960 en retournant ses critères contre elle. Aujourd’hui, le style a été conservé mais sans son esprit de rébellion. L’emballage a gagné sur le contenu, mais plus que jamais les artistes des années 2000 semblent se positionner dans la continuité du pop art.
- Commissaire d’exposition : Paul Moorhouse, conservateur du département du XXe siècle de la National Portrait Gallery - Nombre d’artistes : 28 artistes - Nombre de salles : 7 salles - Nombre d’œuvres : 52 œuvres
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Pop figures
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 20 janvier 2008, National Portrait Gallery, 2 St. Martin’s Place, Londres, tél. 44 20 73122490, tlj 10h-18h, jeudi et vendredi 10h-21h.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°270 du 30 novembre 2007, avec le titre suivant : Pop figures