RÉGION PROVENCE-ALPES-CÔTE-D'AZUR
La Provence joue la carte de l’art contemporain sur l’axe « Plein Sud », le réseau des arts visuels du sud de la France.
Région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Le réseau « Plein Sud », dont l’arc court le long de la côte méditerranéenne de Sérignan à Roquebrune-Cap-Martin, recense entre Avignon et Saint-Paul-de-Vence une vingtaine de lieux d’art. Outre les musées, le Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur et les centres d’art, on compte parmi eux plusieurs fondations privées qui semblent avoir trouvé là un terreau favorable. La Fondation Villa Datris, à L’Isle-sur-la-Sorgue (Vaucluse), expose de la sculpture contemporaine ; la Fondation Carmignac sur l’île de Porquerolles (Var), accueille des expositions temporaires ; la Fondation Bernar Venet au Muy (Var) offre un remarquable parcours d’œuvres minimalistes en plein air. Dans l’arrière-pays, deux vignobles jouent quant à eux la carte d’un œnotourisme cultivé. Ainsi de la Commanderie de Peyrassol, à Flassans-sur-Issole dans le Var. Le domaine est depuis 2001 la propriété de Philippe Austruy. Après avoir fait fortune dans le secteur de la santé, il s’est intéressé au vin et possède plusieurs vignobles, en Italie, au Portugal, en France. Cet amateur de bons crus, ancien compagnon de la galeriste Anne-Valérie Bach (La Patinoire royale, à Bruxelles), est également féru d’art. Il a commencé à acheter des œuvres dans les années 1970, puis à les disposer au milieu des vignes, avant de se décider à ouvrir au public. Il y a deux ans, de grands travaux de réaménagement ont été entrepris, une partie de la logistique et de la production viticole déplacée, au profit de l’espace d’exposition dont la scénographie a été repensée. Mais pour Lorenzo Fiaschi, l’un des trois fondateurs de la Galleria Continua, qui a visité les lieux en janvier dernier, cela n’allait pas. « J’ai expliqué à Philippe que, comme un grand club de foot, s’il voulait jouer en première division, il allait falloir changer pas mal de choses », raconte le galeriste italien, que Philippe Austruy a aussitôt missionné. Parmi les améliorations apportées, l’harmonisation des cartels et la refonte du parcours extérieur. Les pièces qui ne valorisaient pas la collection ont été éloignées, d’autres au contraire rapprochées, comme cette sculpture totémique de Vasarely (P&T, 1978). Il s’est agi, aussi, de trouver une œuvre à fort potentiel « instagrammable » pour identifier le lieu : les 35 drapeaux du Damier flottant arc-en-ciel (2016), de Daniel Buren. Après avoir flotté au-dessus du Palatin, à Rome, ils sont désormais installés au milieu des vignes, au début du circuit. Cet été, la Commanderie s’offre une exposition d’Anish Kapoor : elle rassemble, à l’étroit dans un espace assez ingrat, une série de pièces sanguinolentes, peut-être pas parmi les plus remarquables de la star britannique.
Au nord d’Aix-en-Provence, sur la commune du Puy-Sainte-Réparade (Bouches-du-Rhône), le Château La Coste a pour sa part rodé sa formule avec une promenade de deux heures balisée d’œuvres monumentales, certaines spécifiquement produites, des bâtiments signés de « starchitectes » (Gehry, Piano, Ando), dont trois espaces d’exposition, et enfin une programmation qui n’a rien à envier à celle d’un musée : cet été, Roni Horn et Giacometti. Le tout pourra cependant paraître un peu impersonnel, bien que l’émotion puisse surgir au détour d’un sentier, parmi les oliviers, dans la pénombre d’une chapelle restaurée par Tadao Ando devant laquelle se dress eLa Grande Croix rouge (2007-2008) de Jean-Michel Othoniel. À la façon de parcs à thème haut de gamme (le billet d’entrée est à 25 euros au Château La Coste, 13 euros à Peyrassol), ces deux domaines associant le vin et la création contemporaine sont dotés de restaurants gastronomiques et proposent de luxueuses formules d’hébergement.
C’est également le cas, à une échelle plus modeste, de la Fondation CAB, originellement créée à Bruxelles par Hubert Bonnet, et qui vient d’ouvrir un second lieu à Saint-Paul-de-Vence, à quelques minutes de la Fondation Maeght, dans une ancienne galerie d’art rénovée par l’architecte Charles Zana. Hubert Bonnet entend y présenter sa collection d’art minimal et conceptuel, jamais montrée à Bruxelles. Pourquoi en Provence ? Pour y partager sa passion « avec un public aussi large que possible. Tout en contribuant au rayonnement culturel et économique local et international du village ». Sur le circuit, plein sud, de l’art contemporain.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°571 du 9 juillet 2021, avec le titre suivant : Soleil, art et vin : on dirait le Sud