Art moderne

XIXe siècle

Rebonjour Monsieur Friant

Par Élisabeth Santacreu · Le Journal des Arts

Le 17 janvier 2017 - 475 mots

NANCY

À travers une centaine d’œuvres bénéficiant d’un regard renouvelé sur le naturalisme, le Musée des beaux-arts de Nancy revient sur le peintre lorrain Émile Friant.

NANCY - Près de trente ans après la grande exposition qu’il lui avait consacrée en 1988, le Musée des beaux-arts de Nancy présente une nouvelle rétrospective d’Émile Friant (1863-1932). Mais les temps ont changé pour celui qui reste l’enfant chéri des Nancéens (en témoigne le texte de l’écrivain Philippe Claudel, Au revoir Monsieur Friant, 2016, chez Stock). À l’époque, l’art académique n’avait pas bonne presse, alors qu’on s’attelle aujourd’hui à réévaluer ces artistes dont les œuvres nourrissent largement les collections des musées français.

Friant, célèbre dès l’âge de 26 ans pour son tableau La Toussaint (Salon de 1889), est classé depuis toujours parmi les naturalistes. Lui-même se considérait comme « pompier », puisqu’il participa à l’exposition organisée sous ce titre à la galerie parisienne Georges Petit en 1912. Déjà, le critique qui en rendit compte dans L’Attaque du 22 janvier 1912 remarquait que ces « pompiers » étaient des artistes « modérés, conciliants, qui ne dédaignent pas de faire des concessions aux jeunes écoles ». Mais Friant fut-il, comme on l’a dit, l’homme d’un seul style, le dernier naturaliste ? C’est la question que pose l’exposition de Nancy.

Une complexité inattendue
Charles Villeneuve de Janti, directeur du Musée des beaux-arts de Nancy, Michèle Leinen, documentaliste au même musée, et Valérie Thomas, directrice du Musée de l’école de Nancy, commissaires de l’exposition, s’emploient à nuancer le portrait du maître, en montrant l’important fonds de dessins et de toiles qu’il a légués au musée de sa ville, mais aussi des œuvres venues de collections particulières, des États-Unis et d’Angleterre. S’y découvre un artiste précoce et talentueux, contraint par l’étiquette dans laquelle on a voulu le figer. Son goût pour l’aviation et l’aérostation (la nacelle d’un ballon disposée dans l’entrée du musée rappelle aux Nancéens qu’il s’envola un jour de la place Stanislas) apparaît comme une métaphore de son désir de liberté. La caricature à laquelle il s’adonnait volontiers, les sujets qu’il travaillait par goût personnel, comme la vie des hommes préhistoriques ou la peine de mort, mais aussi les audaces inspirées par l’impressionnisme ou la photographie, la tentation symboliste, témoignent d’une complexité inattendue.

La scénographie est un modèle de didactisme, sans lourdeur aucune. Les années de formation d’un peintre académique sont évoquées, les panneaux et cartels expliquant les épreuves du concours pour le prix de Rome. Les commissaires se sont aussi attachés à étudier l’environnement économique du peintre, notamment dans un article du catalogue sous la plume de Léa Saint-Raymond. Le public ne s’y est pas trompé : dès ses quinze premiers jours, 10 000 visiteurs avaient vu une exposition qui, malheureusement, ne se déplacera pas. Les institutions qui auraient pu la recevoir se sont montrées beaucoup plus frileuses que le public.

Émile friant, le dernier naturaliste ?

Jusqu’au 27 février, Musée des beaux-arts de Nancy, 3, place Stanislas, 54000 Nancy, tlj sauf mardi 10h-18h, tél. 03 83 17 86 77, www.mban.nancy.fr, entrée 7 € (avec le musée). Catalogue, éd. Somogy/Ville de Nancy, 28 €.

Légende Photo :
Emile Friant, Autoportrait, 1887, huile sur bois, 35,5 x 28 cm, Musée des Beaux-Arts, Nancy. © Photo : G. Mangin/Ville de Nancy.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°471 du 20 janvier 2017, avec le titre suivant : Rebonjour Monsieur Friant

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