Art moderne

XXE SIÈCLE

Raoul Dufy, éternel amoureux de la Tour Eiffel

Par Élisabeth Santacreu · Le Journal des Arts

Le 23 avril 2021 - 537 mots

PARIS

Le peintre a toujours gardé un atelier à Paris et la ville a nourri son inspiration, pour des paysages d’abord puis pour ses travaux d’arts décoratifs, en particulier des tapisseries.

Paris. Étrangement, alors que le monde coloré de Raoul Dufy (1877-1953) connaît ces dernières années un regain d’intérêt, il n’y avait jamais eu d’exposition consacrée à sa vision de Paris. Or la capitale, où il est arrivé à la fin de 1899, fut un ancrage fort pour le peintre. Il y a d’abord vécu, au 12 de la rue Cortot (dans le 18e arrondissement) – désormais l’adresse du Musée de Montmartre – puis sur l’île Saint-Louis et sur la rive gauche avant d’occuper, en 1911, l’atelier du 5, impasse de Guelma, qu’il gardera toute sa vie. Niché au pied de la butte Montmartre, ce lieu est resté intact grâce à son assistant, André Robert. L’association L’atelier Raoul Dufy, créée en 2020, a réalisé l’inventaire des nombreux documents et du fonds d’atelier que le peintre a laissés là avant d’ouvrir le lieu sur rendez-vous (1). En raison des conditions sanitaires, les commissaires, Didier Schulmann, ancien conservateur au Musée national d’art moderne/CCI-Centre Pompidou, et Saskia Ooms, responsable de la conservation du Musée de Montmartre, n’ont pu réunir tous les objets et œuvres pressentis pour montrer l’importance de l’inspiration parisienne dans la carrière de Dufy. Le tour d’horizon est cependant assez vaste pour intéresser le public et inciter des chercheurs à approfondir le sujet.

La tour Eiffel, motif récurrent

Jeune artiste fraîchement arrivé dans la capitale, Dufy a peint les paysages parisiens qu’il découvrait. La Vue de Paris depuis Montmartre (1902, [voir ill.]), avec sa tour Eiffel au loin, est emblématique de cette époque, d’autant plus qu’elle jouit d’un pedigree très honorable. Remarquée dès le départ par le critique d’art et conservateur Paul Jamot qui en devint le propriétaire (sans doute Dufy la lui a-t-il offerte), elle fut ensuite léguée par lui à un confrère, Jean Vergnet-Ruiz, et elle appartient encore aujourd’hui à un ancien conservateur du Louvre. Plus tard, Dufy a multiplié les xylographies montrant des vues de la capitale et de ses célèbres monuments. Moderniste, il y représente le Moulin Rouge et la tour Eiffel, par exemple dans la belle estampe Paris, 1917 illustrant Les Élégies martiales de Roger Allard.

Puis, travaillant à l’illustration du recueil Le Poète assassiné de Guillaume Apollinaire, il choisit pour ses lithographies les mêmes thèmes qu’il interprète à l’aide de son nouveau style, beaucoup plus fluide et décoratif. L’exposition permet de suivre la manière dont il a adapté à différentes techniques le vocabulaire qu’il s’est créé. Ainsi, la même vue de la place de la Concorde avec les chevaux de Marly lui sert pour des cartons de tapisserie destinés au Mobilier national (vers 1924) et pour une illustration d’Apollinaire (1926). Tout au long de sa carrière, on retrouve la tour Eiffel, devenue l’un de ses sujets favoris, sur la toile Balcon de Paris (1925), le paravent Panorama de Paris (1933), les tapisseries d’Aubusson Paris (1934-1937), puis dans La Fée Électricité dont on peut voir ici la suite de lithographies rehaussées à la gouache (1952-1953) et enfin dans Les Astres, une toile de 1948 reprise après sa mort pour l’affiche du Planétarium (1959).

Le Paris de Dufy,
jusqu’en septembre, Musée de Montmartre-Jardins Renoir, 12, rue Cortot, 75018 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°565 du 16 avril 2021, avec le titre suivant : Raoul Dufy, éternel amoureux de la Tour Eiffel

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