Art moderne

Raoul Dufy en séries

À Martigny, une approche inédite

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 1 février 1997 - 446 mots

Environ cent vingt toiles montrent à Martigny l’importance des déclinaisons thématiques dans l’œuvre de Raoul Dufy. Une approche inédite et pertinente.

MARTIGNY - Raoul Dufy (1877-1953) est souvent réduit au bon goût et à l’élégance. L’exposition de Martigny, au-delà de cette lecture un peu superficielle, tente de mettre en évidence un aspect récurrent dans son travail, mais rarement exposé de façon si flagrante : la notion de séries. Le commissaire de l’exposition, Didier Schulmann, conservateur chargé de la gestion de la collection du Musée national d’art moderne à Paris, s’est appuyé sur le Catalogue raisonné de Maurice Lafaille, une analyse de l’œuvre du peintre qui met en avant le principe des séries tout au long de sa carrière.

Raoul Dufy a développé très tôt un goût pour les déclinaisons thématiques. En effet, dès 1902, il commence la série de l’Estacade, vues des plages de Sainte-Adresse et du Havre, sa ville natale. Ce thème, repris jusqu’en 1926 au rythme de fréquents voyages en Normandie, est le reflet fidèle de ses changements stylistiques. Ses premiers paysages privilégient une touche fragmentée révélant les vibrations de l’atmosphère dans une veine toute impressionniste. Mais avec la découverte, en 1905, de Luxe, calme et volupté de Matisse au Salon des Indépen­dants, Dufy épouse l’art des Fauves. La Plage de Sainte-Adresse est ainsi traitée au moyen de grands aplats de couleurs souvent arbitraires, associés à une simplification des formes. Dans les années 1920, la lumière scintillante devient au contraire primordiale. La composition est alors divisée en zones contrastées et tend peu à peu vers l’abstraction.

Lumière du noir
Le thème des Grandes baigneuses a été également abordé à de nombreuses reprises entre 1911 et 1950. La Grande baigneuse de 1914 est d’ailleurs une œuvre maîtresse, symptomatique des recherches contemporaines de Dufy par la monumentalité de la figure humaine dominant toute la composition. L’artiste n’a décliné Les barques de Martigues (1906-1907) ou l’Hom­mage à Claude Lorrain (1927-1929) que durant quelques années. À l’image de beaucoup de peintres, la question de l’atelier a été abordée à deux reprises, en 1935 avec les Ateliers de l’impasse de Guelma et, plus tard, en 1942-1949, avec les Ateliers de la place Arago. Dufy mène à chaque fois ses recher­ches jusqu’à l’épuisement de la thématique, changeant tour à tour la composition et les coloris de ses toiles. Sou­vent, les peintures mettant un terme à ces séries sont particulièrement sombres. Le noir annexe la composition, symbole de l’association de l’ensemble des couleurs, tout en devenant paradoxalement l’une des principales sources de lumière du tableau.

RAOUL DUFY, jusqu’au 1er juin, Fondation Pierre Gianadda, 59 rue du Forum, 1920 Martigny, tél. 00 41 26 22 39 78, tlj 9h-19h. Catalogue 200 F.

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°33 du 1 février 1997, avec le titre suivant : Raoul Dufy en séries

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