PARIS
Musée « d’atmosphère », le musée de la rue Cortot, au pied d’un jardin inspiré par Renoir, l’atelier-appartement des deux artistes montmartrois Maurice Utrillo et Suzanne Valadon, et conserve la mémoire de ceux qui ont travaillé en ses murs : Renoir, Bernard, Friesz et aussi Dufy.
« Certainement le musée le plus charmant de Paris ! », promettent les prospectus et la campagne d’affichage publicitaire vantant le Musée de Montmartre. Difficile de les contredire. Le site possède en effet tous les ingrédients de la carte postale du Paris d’antan. Un emplacement totalement bucolique, dans un écrin de verdure dominant des vignes miraculeusement préservées, des bâtiments historiques pittoresques et d’intéressantes collections présentées de manière très vivante, voire spectaculaire. Établissement atypique dans le panorama de la capitale, le Musée de Montmartre a ouvert ses portes en 1960. C’est une association qui est à l’origine de sa création : la Société d’histoire et d’archéologie « Le Vieux Montmartre ».
Fondée en 1886, c’est la doyenne des sociétés savantes de Paris. Sa mission initiale était de sauvegarder autant que possible le caractère campagnard du quartier, alors que la capitale connaissait une urbanisation et une industrialisation massives. Progressivement, ses missions se sont diversifiées, parallèlement à l’enrichissement de ses collections, constituées en partie grâce à des dons d’artistes et de leurs descendants. Composé de peintures, sculptures, affiches, dessins, lithographies, photographies et objets singuliers, ce fonds de six mille pièces retrace l’histoire du plus célèbre village de Paris et plus particulièrement de son âge d’or durant la Belle Époque.
Manquant de visibilité et disposant d’un budget limité, ce musée associatif était menacé de fermeture et de dispersion de ses collections en 2009. Sa disparition annoncée avait ému nombre de personnalités et d’amoureux de la Ville lumière. Un appel à projets avait ensuite été lancé en vue de valoriser ce site, réhabiliter cet ensemble immobilier et proposer un parcours permanent et des manifestations culturelles de qualité. Il avait été remporté par Kléber Rossillon. Depuis 2011, la société a entrepris d’importants travaux, doublé la surface d’exposition, recréé des jardins inspirés par Auguste Renoir et même reconstitué l’atelier-appartement de Suzanne Valadon et Maurice Utrillo.
Un musée d’atmosphère
Aujourd’hui cet établissement, labellisé « musée de France », propose donc une offre variée à ses visiteurs. Musée d’atmosphère, il mise surtout sur la restitution d’ambiances capables de plonger le public dans l’extraordinaire effervescence artistique et culturelle du Montmartre d’autrefois, et l’évocation de personnalités phares intimement liées à ce site. Il faut dire qu’il jouit d’un pedigree exceptionnel. Outre Renoir qui y peignit notamment La Balançoire et Le Bal du moulin de la Galette, et le trio infernal Valadon-Utter-Utrillo, de nombreux artistes de premier plan ont résidé ou travaillé entre ces murs. On peut, entre autres, citer Émile Bernard, Othon Friesz, ou encore Raoul Dufy. En outre, la maison du Bel Air qui abrite les collections permanentes a été construite au XVIIe siècle pour Rosimond, un fameux comédien de la troupe de Molière.
Ce petit manoir est au demeurant l’édifice le plus ancien de la Butte. Le bâtiment qui lui fait face, l’hôtel Demarne a, quant à lui, été profondément remanié sous le Directoire d’où son allure de petit hôtel particulier néoclassique. À l’époque des impressionnistes, il s’agissait d’un lieu incontournable puisqu’il hébergeait la loge du Père Tanguy, illustre marchand de couleurs et collectionneur des œuvres radicales de ses clients et amis. Il abrite aujourd’hui les espaces d’expositions temporaires et la reconstitution de l’atelier-appartement. Le décor original et le mobilier ayant totalement disparu, le lieu a été reconstitué sur la foi de photographies anciennes et d’archives par le scénographe Hubert Le Gall. Franche réussite pour certains, summum du kitsch pour d’autres, cette évocation construite à partir de copies d’œuvres et d’objets chinés remporte en tout cas les faveurs du public.
Un parcours rythmé et vivant
Le parcours permanent déroule sur plusieurs niveaux de la maison du Bel Air un circuit rythmé et immersif. La présence d’objets triviaux mais historiques côtoyant les œuvres, comme un grand zinc d’époque et des enseignes, renforce le caractère de musée d’atmosphère. Des vidéos et des extraits de films diffusent par ailleurs des musiques entraînantes évoquant l’âge d’or de la Butte au son des cafés-conç, cabarets et spectacles de french cancan. Au gré de la visite, des œuvres se distinguent par leur originalité, comme le surprenant tableau La Femme aux oiseaux de Georges de Feure. D’autres pièces brillent par leur qualité à l’instar de la Place Pigalle, un des chefs-d’œuvre de la période blanche de Maurice Utrillo. Ou encore le superbe Panorama de la Butte, un surprenant dessin de Kupka illustrant le maquis composé de cabanes et d’habitations sommaires que constituait alors Montmartre.
Le musée a par ailleurs le privilège de conserver des pièces emblématiques de la vie culturelle montmartroise, mais très rares aujourd’hui : des plaques utilisées pour l’iconique Théâtre d’ombres d’Henri Rivière. Un spectacle onirique qui a participé à la renommée des cabarets de Montmartre et dont les reliques font souffler l’ambiance festive de la Butte à son apogée.
Si le passage de Kees Van Dongen à Montparnasse est connu et documenté, les années montmartroises du peintre hollandais demeurent en revanche assez confidentielles. Pourtant son séjour dans ce quartier, et plus particulièrement au sein du mythique Bateau-Lavoir, constitue un véritable jalon dans sa carrière. Le Musée de Montmartre met en lumière cette période dans une ambitieuse exposition regroupant soixante-cinq œuvres. Organisée dans le cadre de l’année culturelle néerlandaise en France, cette manifestation bénéficie de prêts prestigieux concédés notamment par les musées des Pays-Bas, dont le Stedelijk Museum. Elle rassemble par ailleurs des œuvres phares conservées dans des collections particulières, dont Le Carrousel, qui a fait partie de l’ancienne collection de Matisse, et le célèbre portrait de Fernande Olivier. Enfin, le Nouveau Musée national de Monaco prête également Les Lutteuses du Tabarin, la réponse de Van Dongen aux Demoiselles d’Avignon de son illustre voisin du Bateau-Lavoir.
Toulouse-Lautrec a fréquemment illustré les cabarets, salles de spectacle et cafés-concerts de Montmartre. Ses affiches, très modernes dans leur mise en page et leur typographie, comptent encore aujourd’hui parmi les images les plus célèbres des lieux de plaisir de la Butte. Le musée expose également des affiches de ses confrères : Chéret, Grün, Truchet, ou encore Redon. Cette réunion de pièces aux styles divers et aux inspirations variées offre un intéressant panorama de cet art alors à son apogée.
Qui dit Montmartre, dit cabaret. Parmi ces hauts lieux de la vie culturelle, et parfois interlope de la Butte, le Chat noir est assurément le plus mythique. Tout comme son iconique affiche signée Steinlen qui constitue l’une des pièces maîtresses de la collection du musée. L’établissement possède par ailleurs d’autres œuvres, essentiellement graphiques, de ce célèbre anarchiste passionné par les chats. Un animal dans lequel l’artiste voyait l’allégorie parfaite de la liberté frondeuse de la Butte.
La figure de Suzanne Valadon est inextricablement liée à l’identité du musée. L’artiste et son fils, Maurice Utrillo, ont en effet vécu et travaillé entre ces murs. Outre une reconstitution de leur atelier-appartement, l’établissement conserve quelques-unes de leurs œuvres dont ce petit pastel emblématique de Valadon. Modèle devenue peintre, grâce notamment à son ami Edgar Degas, elle a réalisé de nombreux tableaux et dessins représentant essentiellement la vie quotidienne et intime sur la Butte.
La figure de Suzanne Valadon est inextricablement liée à l’identité du musée. L’artiste et son fils, Maurice Utrillo, ont en effet vécu et travaillé entre ces murs. Outre une reconstitution de leur atelier-appartement, l’établissement conserve quelques-unes de leurs œuvres dont ce petit pastel emblématique de Valadon. Modèle devenue peintre, grâce notamment à son ami Edgar Degas, elle a réalisé de nombreux tableaux et dessins représentant essentiellement la vie quotidienne et intime sur la Butte.
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Le « charmant » Musée de Montmartre
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12, rue Corot, Paris-18e. Tous les jours, de 10 h à 18 h. www.musee demontmartre.fr
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°709 du 1 février 2018, avec le titre suivant : Le "charmant" Musée de Montmartre