Auteur des plus célèbres « calaveras » mexicaines, l’illustrateur a mis son talent au service d’une importante production que l’on peut découvrir pour la première fois en France.
Épinal (Vosges). La première rétrospective française consacrée à José Guadalupe Posada (1852-1913) est un événement. Le Musée de l’imageà Épinal fait découvrir à ceux qui n’ont pas séjourné au Mexique ce graveur inventif et fécond dont on connaît les images sans savoir qu’il en est l’auteur. Ainsi de cette Calavera maderista de 1911, dont un détail est reproduit sur l’affiche de l’exposition. On y voit une femme-squelette figurant une révolutionnaire à cheval, membre de la troupe de voleurs de bétail qui soutenaient l’homme politique Francisco I. Madero (1873-1913). L’œuvre résume parfaitement la carrière de l’artiste qui s’est consacré aussi bien au dessin politique pour la presse qu’à l’illustration de ces feuilles volantes humoristiques, les calaveras, où apparaissent des squelettes dans toutes les occupations humaines. Posada a hissé ce genre traditionnel au rang des beaux-arts.
Pour construire cette rétrospective, la commissaire scientifique, Lætitia Bianchi, autrice d’une importante monographie sur le graveur (Posada, éd. L’Association, 2019), a fait appel aux trésors du libraire, écrivain et collectionneur Daniel Mercurio López Casillas (qui a également participé à la rédaction du livre). Car les dessins de jeunesse de l’artiste ont été perdus lors d’une inondation dévastatrice et le reste de sa production, publiée dans des journaux, des livres à bon marché ou sur des feuilles volantes, a été très peu conservé. Une collection telle que celle du bibliophile est donc essentielle pour la connaissance de Posada.
Parmi les « plus de 10 000 estampes » auxquelles Lætitia Bianchi évalue la production de l’illustrateur, seulement environ deux cents sont montrées à Épinal. Elles permettent cependant de mesurer le travail colossal de celui qui répondait aux commandes de différents éditeurs, de l’homme de presse Ireneo Paz (grand-père d’Octavio Paz) à Antonio Vanegas Arroyo pour lequel il a réalisé aussi bien des illustrations de livres de colportage que des estampes religieuses, des feuilles relatant faits divers et catastrophes et des calaveras.
Si, en 1871, le jeune Guadalupe a travaillé dans sa ville natale d’Aguascalientes pour l’hebdomadaire d’opposition El Jicote, il semble que cet engagement l’ait obligé à s’exiler à León. La leçon a porté puisqu’on ne peut dire qu’il ait soutenu par la suite une faction politique plus qu’une autre. Il vit à León durant une quinzaine d’années en diversifiant fortement sa production, par exemple dans le domaine publicitaire. Après l’inondation de la ville en 1888, il s’installe à Mexico où il travaille énormément. Il sera cependant assez vite oublié après sa mort. C’est le peintre français Jean Charlot (1898-1979), qui, s’installant en 1921 au Mexique, pays de sa lignée maternelle (les Goupil), va s’intéresser à l’œuvre du disparu. « Dieguito », c’est-à-dire assistant (parmi d’autres) de Diego Rivera, Charlot attire sur Posada l’attention du muraliste qui s’attribue dès lors la redécouverte du graveur. En même temps que Posada, l’exposition remet en lumière ce peintre français attachant que l’on peut mieux cerner grâce au site Internet de la Jean Charlot Foundation.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°585 du 18 mars 2022, avec le titre suivant : Posada, l’âme du Mexique