MONTPELLIER
Les travaux de ce photographe de mode très prisé de son vivant ont été rarement montrés. Une exposition montpelliéraine comble cette lacune.
Montpellier. Peter Lindbergh (1944-2019) compte parmi les monstres sacrés qui ont révolutionné la photographie de mode en renversant les codes de la représentation alors en vigueur. Pourtant, contrairement à Richard Avedon, Irving Penn ou Helmut Newton, aucune rétrospective ne lui a été consacrée jusqu’à présent en France, bien qu’il ait vécu les quarante dernières années de sa vie à Paris. L’exposition organisée par l’Institut Giacometti en 2017 sur ses photographies inédites des œuvres de l’artiste suisse et celle sur sa collaboration avec le grand couturier Azzedine Alaïa n’ont présenté qu’une très petite partie de son œuvre. Certes, il n’est pas le seul grand photographe de mode dans ce cas : on attend toujours une rétrospective sur Guy Bourdin, par exemple.
L’exposition préparée par Tara Londi au Pavillon populaire à Montpellier, trois ans après la disparition du photographe, est un premier pas fait dans ce sens. La commissaire italo-irlandaise a réussi à embrasser ce qui a construit l’œil du photographe et sa vision des femmes – et du mannequin en particulier –, tout en montrant sa personnalité.
Le parcours présente de nombreuses photographies parfaitement articulées entre tirages monumentaux, grands et moyens formats de grande qualité. Tous sont issus des collections de la Peter Lindbergh Foundation, fonds de dotation créé à Paris et dirigé par son fils Simon Brodbeck qui souhaite développer ce fonds sur le modèle de la Fondation Henri Cartier-Bresson.
« Le soutien de Simon Brodbeck pour les prêts d’œuvres et d’archives a été précieux et nullement intrusif dans l’exploration de Tara Londi », précise Gilles Mora, directeur artistique du Pavillon populaire. En résulte une exposition particulièrement vivante et bien menée, en adéquation avec l’esprit et les propos des photographies de Peter Lindbergh. Ses images, il est vrai, n’ont pas perdu leur force narrative, ni expressive. « Ce qui intéresse Peter Lindbergh, c’est de raconter des histoires tout autant que l’humain. Aucun autre photographe de mode n’a joué avec le pouvoir du récit comme il l’a fait », souligne Tara Londi. Et la commissaire de montrer quelques sources d’inspiration concernant sa vision des femmes, dans le cinéma, la littérature, l’histoire de l’art ou la photographie. Il fut aussi réalisateur de films, notamment sur Pina Bausch. Des extraits de films de Jean-Michel Vecchiet sur le photographe apportent d’autres éclairages sur son travail.
Peter Lindbergh disait : « Cela devrait être de la responsabilité du photographe moderne de libérer les femmes, puis finalement tout le monde, de la terreur de la jeunesse et de la perfection ». Ce qu’il fit à merveille.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°594 du 9 septembre 2022, avec le titre suivant : Peter Lindbergh, une rétrospective attendue