Berggruen expose à Paris sa collection d’œuvres de l’Espagnol.
PARIS - Les collections particulières d’art moderne de Hermann Rupf et de Duncan Phillips ont chacune fait l’objet d’une exposition majeure au printemps, la première au Musée des beaux-arts de Grenoble, la seconde au Musée du Luxembourg à Paris. Troisième collectionneur à l’honneur cette année, Heinz Berggruen est, pour sa part, bien vivant, et sa collection personnelle d’œuvres de Pablo Picasso s’étoffait encore il y a quelques semaines, peu avant l’inauguration de l’exposition « Picasso - Berggruen, une collection particulière », au Musée Picasso à Paris.
Constitué dès 1952 à partir de l’achat du Dormeur (1942) à Paul Éluard, cet ensemble époustouflant a rejoint la Stiftung Preussischer Kulturbesitz de Berlin sous la forme de dons, en 1996 puis en 2000. Cette exposition n’est donc pas une découverte pour les amateurs du génie du XXe siècle, mais la première d’une série que le musée parisien a décidé de consacrer aux collections particulières. Ce cycle saura-t-il mettre en lumière les motivations diverses de ces inconditionnels du peintre catalan ? Rien n’est moins sûr. Ici, la personnalité de Heinz Berggruen frappe par son absence. Pas un portrait ne le flatte, à peine son nom apparaît-il au détour de dédicaces… Les œuvres ne se déploient pas en son honneur, elles rendent hommage au talent de l’artiste et à son esprit créatif. Celui-ci tantôt magnifie un Merle (1943) à partir d’un bout de bois et d’un fil de fer, tantôt réalise un sublime Portrait de Jaime Sabartès (1904, période bleue), ou encore illustre les cartons d’invitation pour une exposition personnelle à la galerie parisienne de Paul Rosenberg (Nature morte devant une fenêtre à Saint-Raphaël, 1919).
La densité des œuvres cubistes et surréalistes présentes dans ce florilège souligne néanmoins les préférences de Berggruen. Le collectionneur ou le marchand – actif à Paris pendant une trentaine d’années ? L’œil du premier allié au flair du second sont à l’origine d’un ensemble d’une cohérence manifeste, qui s’étend d’un premier croquis du jeune Pablo en 1897 à un dessin des plus tardifs, le Nu assis les bras levés (1972). L’homme est animé d’une passion qui frise parfois le fétichisme, au point d’avoir conservé les enveloppes de ses correspondances avec le peintre. Aujourd’hui, la majorité des œuvres lui appartenant encore sont des encres sur papier, des créations plus faciles à conserver, mais surtout plus intimes.
Au fond, sa véritable inspiration transparaît dans les archives, où l’on remarque les provenances prestigieuses des achats effectués auprès de proches de l’artiste (Dora Maar, Paul Éluard) et, bien sûr, de ses marchands (Daniel-Henry Kahnweiler, Paul Rosenberg, Christian Zervos). Un gage de qualité qui lui assura de réunir des pièces maîtresses, de l’huile sur toile qui ouvre la présentation, Buste de femme nue (étude pour les Demoiselles d’Avignon) (1907) – un tableau qui « fait partie des deux œuvres les plus belles que je possède », explique-t-il –, à l’un de ses derniers coups d’éclats, le magistral Matador et Femme nue (1970) qui clôt le parcours de l’exposition.
Jusqu’au 8 janvier 2007, Musée Picasso, Hôtel Salé, 5, rue de Thorigny, 75003 Paris, tél. 01 42 71 25 21, tlj sauf mardi 9h30-17h30, www.musee-pi casso.fr. Catalogue, coédition Flammarion/RMN, 204 p., 223 ill. couleurs, 49 euros, ISBN 2-7118-5247-4
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Pablo et Heinz
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Abonnez-vous dès 1 €- Commissaires : Anne Baldassari, directrice du Musée Picasso de Paris, et Nadine Lehni, conservateur au Musée - Nombre de salles : 7 - Signalétique : Bernard Lagacé
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°244 du 6 octobre 2006, avec le titre suivant : Pablo et Heinz