PARIS
D’une grande richesse technique et artistique, la sélection de l’œuvre gravé de l’artiste espagnol présentée à la BNF met en lumière son goût pour les expérimentations et ses travaux sur la matière.
Paris. La parution du catalogue raisonné de l’œuvre gravé d’Antoni Clavé et de la donation faite à la Bibliothèque nationale est à l’origine de la présentation des travaux sur papier de cet artiste. La taille réduite de l’espace de l’exposition a obligé le commissaire, Aude Hendgen, à effectuer un choix ingénieux afin de proposer un échantillon complet de cette activité foisonnante de Clavé. De fait, ce peintre majeur en Espagne, un peu oublié en France, offre au spectateur une véritable leçon de savoir-faire technique et artistique. Technique, car Clavé fait appel à d’innombrables procédés (lithographie, eau-forte, aquatinte, Carborundum, gaufrage, collages, dessin…) ; artistique, car on y trouve les différents thèmes qui traversent l’ensemble de sa production plastique, mais aussi les allers-retours entre l’abstraction et la figuration qui la caractérise. Ainsi, tout laisse à penser que Clavé n’établit aucune hiérarchie entre la sculpture, la peinture et l’œuvre graphique. Pour lui, avant tout, ces pratiques diverses sont au service d’une expérimentation avec la matière.
Cette attitude, il est probable que l’artiste la doive à sa double formation. D’une part, en tant qu’apprenti peintre en bâtiment : Clavé débute, non en tant qu’artiste, mais comme artisan. De cette expérience, il tire son rapport physique, tactile aux différentes matières, la connaissance et le plaisir de leur maniement. D’autre part, très tôt, Clavé réalise des affiches et des enseignes publicitaires, un travail sur la surface où il introduit des lettres et des images avec un réalisme précis. Cette double formation, que l’on retrouve dans l’aspect matiériste et l’aspect décoratif – au sens noble accordé par Matisse à ce terme – est constante dans son œuvre.
Une chose cependant n’appartient qu’à l’univers des travaux sur papier – c’est la couleur blanche, tantôt celle de la peinture, tantôt celle du support – qui jaillit ici un peu partout. De plus, cette couleur-lumière associée au noir, donne lieu à des contrastes dramatiques ; D’après Rembrandt IV, 1966 est un hommage à ce maître du clair-obscur. Ce respect de la tradition est récurrent chez Clavé qui reconnaît aisément ce qu’il doit au Greco, à Miró ou encore à Picasso. Comme avec ce dernier, le plaisir du toucher est présent même avec les gravures, ces travaux au faible relief. Ce n’est pas un simple hasard si la main ou son alter ego, le gant, y surgit souvent. L’homme au gant, 1971.
La main, qui manipule des outils improbables, dont la fonction échappe au spectateur. Ce sont les Instruments étranges qui figurent dans une série de gravures au Carborundum de 1980. D’autres « instruments » permettent de suivre les traces de la création de Clavé : les deux plaques de gravure, des matrices pour les estampes, considérées comme des œuvres à part entière par l’artiste, dès 1978. « Elles sont signées, encadrées, exposées, comme des peintures », écrit Aude Hendgen. Autrement dit, une autre façon de faire de la peinture, d’organiser les formes, les couleurs et les textures que rien ne destinait à coexister dans un espace donné.
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L’œuvre hors du temps d’Antoni Clavé
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°494 du 2 février 2018, avec le titre suivant : L’œuvre hors du temps d’Antoni Clavé