« L’Incantation », de Sérusier

Peint en Bretagne en 1891-1892, L’Incantation ou Le Bois sacré représente trois femmes occupées à accomplir une sorte de rituel auprès d’un feu – on aperçoit une petite flamme sous la main droite de la femme agenouillée – dans un bois. Sérusier connaît sans doute les légendes qui hantent les forêts bretonnes, toutefois on ne sait à quel culte ni à quelle « divinité » est destiné ce rituel accompagné d’offrandes. Peu importe, Sérusier est un « primitif » à la recherche d’un retour aux origines. Rencontré par hasard à Huelgoat durant l’été 1892, le poète Henry Bataille écrit à propos du peintre nabi : « Quel ne fut pas mon étonnement de rencontrer en plein bois une sorte d’ascète ou de satyre à la barbe fluviale et roussie, chaussé de sabots, qui hantait ces lieux sauvages et qu’un semblable amour de la solitude avait attiré là. » À Huelgoat, en Bretagne, Sérusier pense ainsi retrouver la virginité du monde qu’il recherche, c’est pourquoi il y séjourne à plusieurs reprises. Avec sa palette réduite de couleurs, ses volutes annonciatrices de l’Art nouveau, ses formes simplifiées et ses aplats cernés d’un trait, L’Incantation est une huile sur toile emblématique de la période symboliste, à l’instar des Arbres verts (1893), le chef-d’œuvre de l’ami Maurice Denis, qui n’est pas sans rappeler L’Incantation. Issu de la collection Marguerite Sérusier, le tableau est entré dans les collections quimpéroises par le legs d’Henriette Boutaric en 1984. Il voisine aujourd’hui avec d’autres œuvres peintes dans la région, notamment de l’école de Pont-Aven, dont le musée s’est fait une spécialité.